Le ministre de la Communication savait probablement que le code de la presse et de l’édition qu’il a préparé n’allait pas recueillir l’approbation des professionnels de la presse. Initialement, ce projet devait englober l’ensemble des questions relatives à ce secteur. Finalement le ministre a opté pour trois lois distinctes: la loi sur le Conseil national de la presse, la loi sur le journaliste professionnel et finalement la loi sur la presse et l’édition. Mais, lors d’un exposé devant la première chambre, le ministre de la Communication s’est contenté de présenter les deux premières, mais pas la troisième.
Code sans peine privative de libertés, vraiment?
Pourtant, cette loi a fait l’objet de nombreuses critiques de la part des professionnels du secteur qui y voient un « recul » dans de nombreux domaines, notamment celui de la liberté des journalistes. Pour Driss Chahtane, directeur de publication de l’hebdomadaire Al Michâal et membre de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ) «cette loi a ouvert un boulevard aux autorités qui peuvent transiter entre le Code de la presse et le Code pénal ». Une idée confirmée par Taoufik Bouachrine, directeur de publication du quotidien Akhbar Al Yaoum, selon lequel les journalistes peuvent toujours faire face à « des poursuites dans le cadre du droit commun ». L’arsenal juridique des autorités a même été renforcé, selon l’éditorialiste puisque « Mustapha Ramid a introduit de nouvelles dispositions dans l’avant-projet du Code pénal » qui reconnait désormais la presse et la presse électronique.
«L’État organise la censure de la presse»
Le fait de juger les journalistes en vertu du Code pénal n’est pas la seule disposition du nouveau Code de la presse critiquée par les journalistes. En effet, le texte préparé par le département de Mustapha El Khalfi permet désormais aux autorités d’interdire une publication avant même qu’un éventuel procès contre celle-ci ne soit ouvert. Pour Taoufik Bouachrine, cette disposition signifie que l’État « est en train d’organiser la censure et non la liberté de la presse ». Autre point cristallisant les critiques, «l’interdiction de la publicité pour les jeux de hasard, l’alcool» que veut mettre en place le texte. Une disposition qui affecte le marché publicitaire de la presse notamment la presse francophone qui diffuse les publicités de boissons alcoolisées. Pour Driss Chahtane, l’article relatif à cette interdiction « risque d’aggraver la situation de la presse et la presse électronique ».
Des amendes salées
Les amendes prévues par le Code de la presse à l’encontre des journalistes font elles aussi débat. En effet, un journaliste peut se voir condamner au paiement de deux amendes : celle de la plainte publique et celle de la plainte civile. Pourtant, les professionnels ont longtemps milité à un plafonnement de la plainte publique à 200 000 dirhams. Dans le code présenté par El Khalfi, la plainte publique peut atteindre 500 000 dirhams en plus de la plainte civile qui n’est pas plafonnée elle. « C’est trop», s’insurge Bouachrine. «On demande la mise en place d’une grille de lecture établie sur une base logique par exemple le chiffre d’affaires, la taille de l’entreprise». Pour lui, le modèle des assurances est un bon modèle pour fixer des barèmes pour les amendes et les dédommagements afin qu’elles aient un aspect juste. D’autant plus qu’en vertu du projet de Code de la presse de Mustapha El Khalfi, un journaliste incapable de payer une amende risque la prison.
Plus loin: Projet de loi 88.13 concernant la presse et l’édition
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