Abdeljabbar El Manira est né à Rabat. Il y a étudié jusqu’à ce qu’il quitte le royaume pour sa thèse de doctorat en neuroscience à Marseille. Le 11 novembre dernier, lors d’une Assemblée générale, il est élu membre de l’Académie Royale des Sciences de Suède. Cette prestigieuse institution, fondée en 1739 par le roi de Suède de l’époque, décerne notamment les prix Nobel de physique et de chimie chaque année. « Il se peut que je sois amené à prendre part aux discussions pour le Nobel de chimie, en ce qui concerne la biologie », confie-t-il d’ailleurs à Telquel.ma.
Si son français n’a pris qu’un léger accent nordique bien qu’il vive en Suède depuis 1992, le professeur El Manira reste « très attaché au Maroc ». Il a d’ailleurs été décoré par Mohammed VI en 2010, l’année où il est devenu éminent professeur au Karolinska Institutet.
Des solutions contre Parkinson
Abdeljabbar El Manira sera officiellement membre de l’Académie après une cérémonie d’intronisation au cours de laquelle il donnera une conférence pour revenir sur l’ensemble de ses recherches. Elles se penchent sur « la manière dont le cerveau contrôle nos mouvements ». « Le cerveau calibre notre réponse motrice. Il est capable de commander des mouvements délicats pour saisir un objet fragile, mais il est aussi capable de réactivité face à un danger », nous explique le professeur. En recomposant, le circuit des neurones d’un individu sain, ses recherches permettent de faire évoluer le traitement de maladies neuropsychiatriques comme Parkinson.
Ses travaux ont d’ores et déjà permis de remettre en cause des principes scientifiques pourtant bien établis. « Avant on pensait qu’il n’y avait qu’une seule structure neurologique pour commander les mouvements. La variation de l’activité de cette structure était censée permettre de calibrer la réponse », vulgarise Pr El Manira. Une augmentation de l’activité permettait une réponse rapide, une baisse de l’activité une réponse précise. Abdeljabbar El Manira a montré qu’il y avait en réalité plusieurs structures qui agissent comme « une boite de vitesse ». « Il y a une structure pour les mouvements délicats, une autre pour les réactions rapides », précise-t-il encore. Cette découverte connait une application directe lorsqu’il s’agit de procéder à la rééducation de personne souffrant de maladie de la moelle épinière. « On cible désormais le système que l’on veut rééduquer pour réapprendre un mouvement », renchérit El Manira.
Une affaire de malentendus
Sa deuxième découverte phare connait moins d’applications concrètes, mais permet de faire avancer la recherche fondamentale. Elle a permis de mettre en lumière que contrairement à ce qui était enseigné jusqu’à présent, les neurones ne fonctionnent pas à sens unique, du cerveau vers les organes moteurs, mais communiquent aussi dans le sens retour. « On pensait qu’ils étaient indépendants, mais en fait les neurones font partie d’un système global », corrige-t-il.
Ses travaux scientifiques corrigent des ambiguïtés biologiques. Mais sur un autre terrain, Abdeljabbar El Manira dit aussi avoir été témoin d’un « énorme malentendu » lorsque les relations entre le Maroc et la Suède se sont tendues autour de la question des provinces du sud.
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