En Espagne, un cliquetis d’aiguilles a envahi depuis septembre certains cafés et places de villages, véritables courses contre la montre de femmes face à l’hiver qui arrive: elles tricotent des couvertures pour les déplacés Syriens, avant tout pour leur réchauffer le coeur.
Soir après soir début octobre dans la petite ville andalouse aux maisons blanchies à la chaux de Villaverde del Rio (sud), une vingtaine de femmes et d’adolescentes se sont retrouvées aiguilles en main, pour finir à toute vitesse leur première livraison.
Vendredi, le groupe a adressé cinquante couvertures à l’Association de soutien au peuple syrien, à Madrid, chargé de les acheminer vers les camps d’accueil de déplacés en Syrie.
Ces tricoteuses-là avaient déjà l’habitude de fabriquer des couvertures pour les sans-abri d’Espagne, lors de leur réunion hebdomadaire. Mais quand un appel a été lancé pour venir en aide aux familles syriennes déplacées, elles n’ont pu s’empêcher d’y répondre, témoigne Coral Benitez, femme au foyer de 59 ans, coordinatrice du groupe.
« Nous ne tenons pas compte de la couleur, ni de la race, ni de la religion. Peu importe qu’ils soient catholiques et nous musulmans, dit-elle. On tricote pour ceux qui sont dans le froid ».
Plus de 4.000 personnes ont rejoint le groupe Facebook « Couverture de Vie » pour la Syrie, lancé début septembre.
Et elles avaient déjà tricoté quelque 1.450 couvertures avant dimanche, date butoir pour l’envoi de leurs œuvres à l’association, explique Marta Blanco.
« On ne vous oublie pas »
Cette architecte madrilène de 44 ans, blogueuse fan de tricot, a lancé le 4 septembre, avec deux autres internautes, cette page pour relayer l’appel lancé par l’association madrilène.
Les images de Syriens risquant leurs vies pour tenter d’atteindre l’Europe envahissaient les écrans, se souvient-elle en racontant qu’elle s’était dit qu’il y avait forcément quelque chose à faire pour ceux restés en Syrie.
« Nous aurions pu acheter des couvertures. Tout le monde a des couvertures usagées dont ils pourraient faire don. Mais l’idée, c’est de dire ‘On ne vous oublie pas, nous savons qu’il y a une guerre et que vous souffrez’ », plaide-t-elle.
A peine créé, le groupe Facebook avait déjà plus de 1.000 membres et des sections locales dans une cinquantaine de villes espagnoles ont été chargées de rassembler et d’envoyer les couvertures vers Madrid.
Plusieurs centaines ont aussi été adressées directement par des tricoteurs vers le bureau exigu de l’association, installée à Moratalaz, quartier ouvrier de l’est de Madrid. Des paquets y sont même arrivés des États-Unis, d’Amérique Latine et d’autres pays d’Europe.
« Il ne s’agit pas seulement de tenir chaud. Il y a beaucoup d’affection dans chaque couverture stockée ici », dit le président de l’association madrilène, Amer Hijazi, 49 ans, debout devant une pile de couvertures multicolores.
L’association, fondée en 2011, expédiera les couvertures en Syrie à la fin du mois. Elles doivent être distribuées dans différents camps des zones montagneuses de la province d’Idlib (nord-ouest de la Syrie) où peu d’aide arrive et où le froid est vif, explique M. Hijazi, résident en Espagne depuis 25 ans.
Nous sommes avec vous
« Le seul moyen qu’ils ont de se réchauffer, ce sont leurs vêtements et les couvertures. C’est pourquoi elles sont si importantes », assure M. Hijazi, dans le bureau de l’association, décoré d’un drapeau syrien.
Chaque couverture devrait être enveloppée d’un plastique portant l’inscription « nous sommes avec vous », en espagnol et en arabe.
Quatre millions de personnes ont fui la guerre en Syrie et 6,5 sont déplacées dans le pays, selon le Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés.
En Espagne, les tricoteuses ont posté sur Facebook des photos d’elles-mêmes, tricotant sur des places de leur quartier, en famille, sur leur canapé, ou seules, exhibant fièrement les mailles assemblées et achevées.
« J’ai vu les images des réfugiés, ces familles, ces parents avec leurs enfants fuyant la guerre, cela m’a semblé très douloureux. J’ai pensé que cela pourrait m’arriver aussi », confie Olga Lopez, Madrilène de 48 ans et mère de deux adolescents. « Une couverture, ce n’est pas grand-chose mais elle transmet beaucoup de tendresse et j’espère qu’elle pourra, du moins en partie
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