C’est une nouvelle avancée dans le monde de la génétique des maladies rares, et ce sont des chercheurs marocains qui l’ont initiée. La prestigieuse revue scientifique « American journal of human genetics » a publié les résultats de travaux sur le « syndrome de Heimler », une maladie génétique très rare. Plus d’une trentaine de chercheurs, de plusieurs pays, ont collaboré avec des équipes de chercheurs marocains pour identifier le gène responsable de cette maladie et confirmer sa cause métabolique.
« C’est un travail collaboratif », nous répond modestement Ilham Ratbi, 37 ans, professeur de génétique à la faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, citée comme auteur principal de l’étude. Son équipe, celle du Centre de génomique humaine de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, dirigée par le Dr Abdelaziz Sefiani, le « pionnier de la génétique médicale marocaine » comme elle tient à préciser, travaille sur cette maladie depuis 2011. Le département de génétique médicale de l’Institut national d’hygiène (INH) et une équipe de la faculté dentaire de Rabat dirigée par le Pr Mustapha El Alloussi ont également collaboré à cette étude.
Le gène responsable identifié
Tout commence par une famille marocaine qu’Ilham Ratbi avait reçue en consultation avec son collègue le Pr El Alloussi. Les deux médecins diagnostiquent ce syndrome très rare chez deux enfants de cette famille. Commence alors un travail de recherche qui s’est appuyé sur la description faite par une chercheuse américaine, le Pr Audrey Heimler, la première à avoir découvert ce syndrome il y a 25 ans en 1991. « La prévalence de cette maladie est très rare. Seuls les cas de cinq familles avec dix enfants atteints avaient été rapportés jusque-là », explique le Pr Ratbi.
Le syndrome de Heimler se distingue par trois signes cliniques, dont une « surdité neurosensorielle », une « hypoplasie généralisée de l’émail des dents définitives », des anomalies des ongles, et des anomalies ophtalmologiques, comme nous le détaille la généticienne marocaine.
Les équipes de chercheurs marocains se sont attelées avec une équipe belge dirigée par le Pr Van Camp à rechercher le gène responsable de ce syndrome. Il s’agit d’une anomalie du gène PEX1 chez les deux patients marocains atteints du syndrome. « Nous avons identifié une cause génétique probable, mais une fois le gène identifié il fallait des preuves (…) nous avons alors associé un laboratoire de référence dans les maladies peroxysomales à Amsterdam dirigé par le Pr Waterham», explique-t-elle.
Ce travail en réseau s’est poursuivi, et bientôt les données recueillies par les chercheurs se sont étendues à huit familles concernées par ce syndrome, dont les deux cas de la famille originale rapportée par le Pr Audrey Heimler, jusqu’à aboutir au travail de recherche finalisé tel qu’il a été publié.
Des équipes « très actives » en génétique au Maroc
Aujourd’hui, ce travail scientifique, en plus d’enrichir la recherche médicale, pourra aussi servir à adapter la prise en charge de patients, comme le souligne Ilham Ratbi. Cette étude montre également que «des variations qui semblent anodines dans certains gènes peuvent être responsables de maladies génétiques rares dont la cause est actuellement méconnue » comme l’explique pour sa part le Dr Abdelaziz Sefiani, dans un communiqué.
La publication des résultats de cette recherche met la lumière aussi sur un domaine peu investi par le Maroc : la recherche scientifique. Pour Ilham Ratbi, si ce genre de travail de recherche reste difficile, il y a une « volonté de le développer » et des « équipes très actives » sont à l’œuvre en tout cas dans le domaine de la génétique médicale au Maroc.
Avant cette étude d’envergure internationale, l’équipe du Centre de génomique humaine de Rabat et le département de génétique médicale ont produit « près d’une centaine de publications sur diverses maladies génétiques ces 25 dernières années », souligne le Pr Ratbi. De quoi rompre le cou aux idées préconçues.
Plus loin: Heimler Syndrome Is Caused by Hypomorphic Mutations in the Peroxisome-Biogenesis Genes PEX1 and PEX6
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