Mort d'Arafat: sa veuve conteste le "non-lieu" des juges français

Faute de «preuves suffisantes», les trois juges français chargés de l'enquête pour «assassinat» ouverte après la mort de Yasser Arafat ont ordonné un non-lieu, une décision rendue publique mercredi que la veuve du leader palestinien entend contester en appel.

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Une supportrice du Fatah brandit une photo de Yasser Arafat devant l'université d'Al-Azhar à Gaza City, le 11 novembre.
Une supportrice du Fatah brandit une photo de Yasser Arafat devant l'université d'Al-Azhar à Gaza City, le 11 novembre. Crédit: AFP

Les trois juges, qui ont suivi les réquisitions du parquet, ont estimé qu’ «à l’issue des investigations (…), il n’est pas démontré que M. Yasser Arafat ait été assassiné par empoisonnement au polonium 210, et il n’existe pas de preuve suffisante de l’intervention d’un tiers qui aurait pu attenter à (sa) vie», a annoncé le procureur de Nanterre, près de Paris, dans un communiqué.

Aucune mise en examen (ndlr, inculpation) n’avait été prononcée dans ce dossier.

Le non-lieu n’enterre pas pour autant l’affaire car la veuve d’Arafat, Souha Arafat, partie civile, entend le contester, ont indiqué à l’AFP ses avocats, Me Francis Szpiner et Renaud Semerdjian.

«Nous poursuivrons nos investigations pour retrouver l’assassin d’Arafat, jusqu’à ce que nous sachions comment Arafat a été tué», a également réagi Tawfiq Tirawi, président de la commission d’enquête de l’Autorité palestinienne créée en 2009, qui n’a pas rendu ses conclusions.

Maladie, assassinat ? Les causes de la mort de Yasser Arafat, décédé le 11 novembre 2004 dans un hôpital militaire de Clamart, en région parisienne, après une brusque détérioration de son état de santé, n’ont jamais été élucidées.

Les juges de Nanterre étaient saisis d’une enquête pour «assassinat» depuis août 2012, après une plainte contre X déposée par Souha Arafat à la suite de la découverte, tardive, de polonium 210 sur des effets personnels de son mari.

Au moment de la mort d’Arafat, cette substance radioactive hautement toxique, qui a tué l’ex-agent russe Alexandre Litvinenko à petit feu en 2006 à Londres, était encore mal connue.

La tombe du vieux chef palestinien avait été ouverte en novembre 2012 et une soixantaine d’échantillons (os, tissus) prélevés sur sa dépouille puis répartis pour analyse entre trois équipes d’experts suisses, français et russes.

A deux reprises, les experts mandatés par les juges français ont écarté la thèse de l’empoisonnement, estimant que la présence dans l’environnement extérieur d’un gaz radioactif naturel, le radon, expliquerait les fortes quantités de polonium enregistrées dans sa sépulture et sur sa dépouille.

Dans leurs expertises complémentaires, les Français avaient réexploité des données brutes issues de l’analyse en 2004, par le service de protection radiologique des armées, d’échantillons d’urine prélevés sur Yasser Arafat lors de son hospitalisation. Ils n’y avaient pas trouvé de polonium.

Mais des experts suisses sollicités par la veuve avaient au contraire jugé que leurs résultats «soutiennent raisonnablement l’hypothèse de l’empoisonnement» au polonium.

 Conclusions hâtives

«L’absence d’investigation aboutit forcément à la conclusion qu’il n’y a pas de preuve suffisante», ont commenté les avocats de Mme Arafat, dénonçant «une enquête fondamentalement biaisée» et «des conclusions hâtives, qui ne reposent que sur une partie du dossier».

«Quel est l’intérêt de refuser toutes nos demandes d’investigations et de ne pas laisser l’enquête se poursuivre?», ont-ils interrogé.

Toutes leurs demandes d’actes supplémentaires ont été retoquées. Ils avaient notamment réclamé une «nouvelle expertise par un collège international», et que soient entendus des médecins de l’hôpital de Clamart, pour expliquer l’apparition «mystérieuse» des résultats d’analyses d’un échantillon d’urine, utilisés pour l’expertise complémentaire française.

Selon les avocats, ces éléments ne figuraient pas au dossier, motif suffisant pour annuler l’expertise complémentaire. Leur requête en nullité, déposée en juillet, n’a pas encore été examinée. La procédure, non suspensive, n’empêche pas le non-lieu, a expliqué le parquet à l’AFP.

Les avocats ont aussi indiqué réfléchir au dépôt d’une plainte pour «violation du secret de l’instruction» contre l’un des juges, Jacques Gazeaux, qui, dans un livre consacré au dossier par un journaliste français, «avait dit que l’affaire se terminerait par un non-lieu».

Nombre de Palestiniens accusent Israël, qui a toujours nié, d’avoir empoisonné Yasser Arafat. Mais certains soupçonnent aussi une collaboration palestinienne dans ce décès, sur fond de luttes de pouvoir.

Juliette MONTESSE et Nathalie ALONSO (AFP)

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