Malgré la brume qui l’enveloppe en cette fin du mois d’août, la ville d’Agadir grouille toujours de touristes. La douceur estivale de la ville balnéaire cache pourtant l’âpre bataille électorale qui s’y déroule. Tarik Kabbaj, qui avait remporté les deux dernières élections communales sous l’étiquette de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), se présente pour la première fois en tant que candidat indépendant.
Le nouveau parti politique de l’ancien USFPiste, le Parti alternative démocratique (PAD), n’a été reconnu que quelques heures avant la clôture des listes électorales par le ministère de l’Intérieur. En attendant son congrès constitutif, la formation ne peut présenter ses candidats qu’en indépendants.
Dans l’ombre de la rose
Le changement de formation de Tarik Kabbaj constitue son premier défi électoral. Après avoir logiquement abandonné la rose, le maire sortant d’Agadir se présente avec le logo du coureur. Une image qui n’est pas reconnue par les électeurs et dont la reconnaissance constitue le premier défi de Tarik Kabbaj. « Cela fait des décennies qu’Agadir est habitué à voter pour la rose » explique le candidat. Je passe « l’essentiel de mon temps à expliquer le choix de mon nouveau logo plutôt qu’à faire le bilan de mon action » déplore le candidat qui juge que le nouvel emblème pourrait lui « faire perdre des voix ».
Des voix qu’il sera difficile de reconquérir, car selon le candidat, les militants de l’USFP profiteraient des réalisations qu’il affirme avoir accomplies durant ses 12 années a la présidence du conseil de la ville d’Agadir. « Suite à ma démission, mes concurrents de l’USFP utilisent mes réalisations pour faire campagne et disent aux gens que je suis encore dans le parti » confie Kabbaj. Ce qui est sûr, c’est que l’USFP de son côté ne compte pas laisser le champ libre à son ancien dirigeant local. Le parti de Driss Lachgar avait d’ailleurs choisi la ville d’Agadir pour lancer sa campagne électorale, et mis en avant le bilan du parti dans la gestion de la ville.
En plus de ses camarades désormais adversaires, le maire sortant déclare disposer de moins de ressources que ses autres concurrents, qui espèrent eux aussi se frayer un chemin vers le conseil de la ville. « Certains de mes rivaux ont une logistique énorme. Ils sont capables de payer de nombreux distributeurs de tracts et font passer de l’argent sous la table », accuse-t-il même.
« La colle et les affiches, ça ne marche plus »
Tout naturellement, Tarik Kabbaj mise sur ce qu’il pense être son atout gagnant : la proximité avec les citoyens, qu’il côtoie depuis la douzaine d’années passées à la mairie et son bilan. C’est dans son bureau personnel, où il a l’habitude de recevoir les doléances des citoyens, qu’est basé son QG de campagne qui constitue notre première étape dans le tour de la ville d’Agadir.
Dans le local, figure une grande carte de la ville d’Agadir ou sont épinglées les cellules de soutien de l’ancien dirigeant USFP. C’est dans ce bureau que le candidat débute sa journée par une réunion avec le groupe, essentiellement composé de bénévoles, chargés de faire sa promotion. « Il ne nous donne pas un centime et nous travaillons avec nos propres moyens », assure l’un d’entre eux.
Parmi ces bénévoles figure une équipe entièrement dédiée à la campagne web de Tarik Kabbaj qui ne compte plus sur les méthodes classiques pour faire campagne. «La colle et les affiches, ça ne marche plus», avance Hamid El Hillali, membre de l’équipe digitale. «Mon équipe et moi sommes venus aider Tarik Kabbaj pour l’aider à améliorer sa communication, car il avait un manque dans ce domaine », poursuit-il.
Pendant ce temps, à Al Massira…
Une fois la réunion conclue avec son équipe de campagne, nous embarquons avec Tarik Kabbaj et six de ses militants dans sa voiture. Nous nous dirigeons vers les quartiers populaires d’Agadir comme ceux d’Al Massira ou d’Al Houda. En route, le candidat nous montre ses réalisations : « dans ces quartiers, plusieurs terrains n’étaient pas occupés. J’ai insisté pour qu’on mette en place des terrains sportifs, des jardins ouverts aux enfants, des salles couvertes. Ce sont des espaces dont profitent les citoyens, ils peuvent y faire du sport ».
Si les habitants s’arrêtent souvent pour saluer le maire sortant, d’autres en profitent pour exposer leurs plaintes en tête desquelles figurent le chômage qui frappe la ville et le sentiment d’insécurité. Ils reprochent également à l’élu son retard sur «quelques chantiers ».
Kabbaj se montre réceptif, mais se réfugie derrière «un manque de soutien». « Ce n’est pas seulement ma responsabilité », soupire-t-il. En route vers le quartier d’Al Massira, il évoque d’autres réalisations effectuées durant son mandat. « Une compagnie immobilière voulait faire du port d’Agadir une marina. Mais j’ai défendu les pécheurs et le projet n’a finalement pas été réalisé. Ces gens-là savent ce que j’ai fait pour eux ». Autre sujet cher au cœur du maire sortant: avoir fait d’Agadir, « une ville sans bidonville ».
Malgré les réalisations qu’il avance comme arguments électoraux, le coordinateur national du PAD n’est pas au bout de ses peines. Une fois arrivé au quartier Al Massira les citoyens montrent leur colère : « il n’y a pas d’électricité dans les quartiers, il y’a trop de malfrats, nous avons peur pour notre sécurité ». En réponse à cette nouvelle série de plaintes, Tarik Kabbaj rétorque que certains chantiers étaient « plus importants » et précise que le prochain conseil municipal pourra répondre à leurs requêtes.
Mais pourra-t-il rempiler pour un troisième mandat? Car en plus de l’USFP, sous les couleurs duquel ces réalisations avaient été accomplies, d’autres poids lourds lorgnent un meilleure place au sein du conseil de la ville… avec en tête le PJD.
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