Reportage. À Casablanca, Yasmina Baddou mise sur la mixité sociale

Yasmina Baddou souhaite être réélue à la circonscription d'Anfa-Casablanca. Telquel.ma l’a suivie un jour de campagne au coeur d'un bidonville. Reportage.

Par et

Crédits : Yassine Toumi

Une paire de baskets aux pieds, une tenue décontractée, la candidate Yasmina Baddou est prête pour une nouvelle après-midi marathon. Elle nous donne rendez-vous dans son QG de campagne « le seul ouvert sept jours sur sept dans ma circonscription » indique t-elle, pas peu fière de l’activité qui y figure en son sein. Une vingtaine de sympathisants se tiennent là, prêts à la suivre, arborant sur leurs tee-shirts et leurs casquettes, les couleurs de l’Istiqlal. Le local est grand, il permet d’organiser des réunions, quelquefois des entretiens plus personnels dans son bureau, et surtout d’attirer les curieux du coin, venus rencontrer celle qui les représente depuis déjà 12 ans.

Yasmina Baddou dans son QG de campagne - Yassine Toumi
Yasmina Baddou dans son QG de campagne – Yassine Toumi

Dotée d’un grand dispositif sur les réseaux sociaux, la candidate concilie à la fois campagne sur le terrain et campagne digitale. Un de ses conseillers nous expose ainsi sa page Facebook, alimentée tous les jours, où figurent notamment photos, communiqués et l’intégralité du programme en arabe et en français. Sur Twitter, la candidate n’a pas de compte officiel : « difficile de communiquer des idées de fonds en seulement 140 caractères » précise l’un de ses conseillers.

Un bilan et des projets

Baddou présente la caractéristique d’être candidate à sa réélection. Le bilan de ces 12 années est donc notre premier sujet d’entretien. En douze années, elle estime que la ville de Casablanca a commencé sa mutation «En 2003, les arrondissements ne savaient pas ce que c’était de travailler en partenariat avec des associations. Nous avons changé cela. Avec l’impulsion de ces associations, nous avons créé des centres d’aides. Je pense notamment à un centre pour les personnes âgées, qui accueille aujourd’hui plus de 800 personnes, ou encore un centre d’aide pour les femmes en situation difficile. Mon bilan va vers les plus démunis. Je souhaite désormais que tous les Casablancais puissent recevoir des prestations sociales de manière égale.» Reprenant l’exemple de la France, où toutes les communes sont censées compter au moins 20% de logements sociaux, Yasmina Baddou semble vouloir «soutenir cette vision, ce projet.»

Crédits : Yassine Toumi
Crédits : Yassine Toumi

« Créer des espaces de vie au coeur même des quartiers »

La circonscription d’Anfa est compliquée. Elle côtoie à la fois les gens les plus riches de la métropole casablancaise mais également des populations très pauvres, vivant dans des bidonvilles et dont la situation ressemble de plus en plus à une forme de «ghettoïsation». Yasmina Baddou le sait, elle y parcourt les rues depuis plus de douze ans. Cette situation, elle veut la transformer en une force, celle de la «mixité sociale». Très vite, Yasmina Baddou nous explique le coeur même de son projet : combattre l’exclusion. Elle en fera son cheval de bataille.

Conformément à la ligne directrice de son parti, elle souhaite «accompagner l’urbanisation, développer les infrastructures, et fluidifier la mobilité». À guise d’exemple, elle nous raconte le parcours du combattant qu’un piéton vit au quotidien quand il souhaite traverser le boulevard Zerktouni et se voit obligé de redescendre très bas dans la ville, faute de passages adaptés aux piétons. Un exemple qu’elle cite lors de toutes ces inetrventions publiques.

Tous ces projets s’appuient aussi sur un volet écologique. «Protéger l’environnement, créer des espaces verts, et des espaces de vie, au coeur des quartiers est primordial pour créer cette mixité sociale sereine. Je veux rendre la plage aux Casablancais, je ne veux plus bétonner la ville.»

À la rencontre de la population - crédits Yassine Toumi
À la rencontre de la population – crédits Yassine Toumi

Concédant bien volontiers que la politique n’attire plus, Yasmina Baddou souhaite porter l’espoir auprès des électeurs. «Je comprends le désespoir des gens. Ce désespoir ne vient pas seulement du discours politique, c’est un tout. Quand vous n’avez aucun espoir dans la vie, et que vous vivez dans la misère la plus totale, vous vous demandez bien pourquoi vous iriez voter, pour qui. Et en même temps, je veux incarner cet espoir, leur dire : si je suis élue, on fera en sorte de faire les choses bien. » En douze ans, dit-elle, son parti a été dans l’opposition et n’a pas participé à la gestion «désastreuse » de la ville.

Interrogé, un proche de Yasmina Baddou, nous confiera que cette dernière est une personne « très organisée ». « Quand elle part en campagne, plutôt que de dire « on va faire ci, on va faire ça », elle prend le temps d’expliquer aux gens pourquoi elle va le faire, pourquoi il y a un besoin réel. Et les gens sont réceptifs.»

Crédits : Yassine Toumi
Crédits : Yassine Toumi

Après cet entretien, réalisé au sein de son QG de campagne, Yasmina Baddou nous emmène avec elle, sur le terrain. Dans un bidonville, au coeur d’Anfa, elle est reçue par une centaine de personnes venues se regrouper autour d’elle. Comme depuis le début de sa campagne, elle s’invite dans des maisons, où elle prend le temps de discuter avec les gens, de répondre aux sollicitations et d’écouter les différentes revendications . «À la rencontre des gens, on apprend» nous glisse-t-elle. En arrivant, tandis que le Parti de l’Istiqlal reprend son célèbre hymne, les habitants répondent en choeur en demandant du travail. Les «On veut du boulot, on veut du boulot» retentissent dans les allées du bidonville. L’ambiance reste néanmoins chaleureuse. Les gens aiment qu’on leur rende visite, c’est aussi l’occasion pour eux, d’exprimer leurs inquiétudes. Yasmina Baddou restera plus d’une heure sur place.

Embrassades au coeur du bidonville - Crédits : Yassine Toumi
Embrassades au coeur du bidonville – Crédits : Yassine Toumi

Entre deux embrassades de fin, avec les citoyens marocains, un militant de l’Istiqlal  nous confie « qu’il reste des choses à faire.» « Cette ville est la ville des paradoxes, on voit des villas surplombées des quartiers très pauvres, il faut remédier à aider davantage les gens. »

Native de Meknès, ayant grandi à Rabat et venue à Casablanca pour des raisons professionnelles, Yasmina Baddou ne s’imagine pas quitter la ville qu’elle a vu évoluer. «J’ai un attachement extrêmement fort avec mes électeurs, nous avons créé et soutenu beaucoup d’associations et aujourd’hui, je ne me vois pas du tout vivre ailleurs.»

Cet attachement extrêmement fort avec les électeurs sera à nouveau mis à l’épreuve, lors de ces élections.

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer