Il est 19 heures quand une douzaine d’hommes, tous vêtus de leur veston et leur casquette floqués de la rose sortent du local de l’USFP, boulevard Sefrou, à Aïn Chock. Pendant plus d’une heure et demie, ces militants, rejoints plus tard par quelques femmes, ratissent le quartier à la rencontre des électeurs. Dans les rangs : Rachid Chajari, tête de liste pour les régionales, et Boumehdi Mimoudi, premier de la liste pour les municipales.
C’est sans réaction que la plupart des habitants prennent le tract qu’on leur tend. Si une poignée de passants hissent leurs lunettes sur le nez pour lire attentivement le programme distribué, la majorité ne pose aucune question. « La circonscription compte 130 000 inscrits sur les listes. Seuls 25 % iront voter, et ceux-là savent déjà pour qui. Notre premier combat est de les inciter à aller aux urnes », nous explique Rachid Chajari.
« Donne-moi 200 dirhams »
Malheureusement, lors de cette sortie, peu de place est offerte aux débats de fond. Hormis une jeune femme se plaignant d’être dépourvue d’accès à l’eau depuis six ans (une militante prend son numéro en lui promettant de l’aider), c’est le comportement des élus en général qui revient quasi systématiquement dans la bouche des habitants qui réagissent. « A quoi ça sert de voter pour toi. Tu viens maintenant et après tu vas disparaître pendant deux ans », rouspète un habitant.
« Donne-moi de l’argent puisque tu vas en gagner beaucoup ! », réclame le tenant d’un pressing. A l’inverse, « Donne-moi 200 dirhams », ordonne un jeune, qui face au refus du politique, explique : « C’est bien, je voterai pour toi et ma famille aussi ». Piège anti-corruption réussi. L’objectif des militants et candidatas est net : lutter contre la mauvaise image dont pâtissent les élus : « C’est aussi ça notre combat : leur expliquer qu’il n’y a pas que des corrompus », ajoute le candidat aux régionales.
Une campagne difficile
Rachid Chajari le concède au bout d’une heure : « la campagne est très difficile dans ce quartier ». « Les gens sont négatifs, ils ne veulent rien écouter, et ça se comprend. Ce sont des jeunes qui vont peut-être se radicaliser », s’inquiète pour sa part Boumehdi Mimoudi, après avoir entendu un jeune énervé.
Pas de débat, donc. Et pourtant, les problèmes quotidiens qui pourraient en faire objet sont bien existants. « Certains nous parlent de la route qui n’est pas réparée, des ordures qui ne sont pas ramassées… », illustre Adnane Hakimi, trésorier régional de la Jeunesse USFP. Et alors, est-ce que le parti de la rose propose des solutions différentes des autres partis pour résoudre ces tracas de tous les jours ? « Pas vraiment », avoue Adnane Hakimi. D’après lui, la différence se joue plus du côté du profil des personnes qui se présentent et de leur intégrité. « Les candidats sont jeunes et du quartier. Contrairement aux autres partis, nous n’avons pas de parachutés », défend Adnane Hakimi, au parti depuis l’âge de 16 ans. Le « changement » est l’un des termes qui revient le plus souvent dans la bouche des militants.
Difficile de convaincre sans preuve
Fouad, la trentaine, qui réside en Allemagne mais s’apprête à passer ses vacances en campagne à Casablanca, préfère rester optimiste : « Seuls, nous ne pouvons rien faire, il faut que les élus locaux travaillent en collaboration avec le gouvernement ». A la question de savoir où trouver les moyens pour appliquer sa proposition de faire passer un camion à ordures deux fois par jour, il est clair : « Il y a assez d’argent dans les caisses, nous n’en avons pas plus besoin. C’est seulement que certains partis gardent la moitié pour eux ».
Rachid Chajari a beau être socialiste, il ne recommande (bien sûr) pas d’augmentation d’impôts locaux, et aime parler entrepreneuriat. « L’entrepreneur est un grand militant », sort celui qui a monté son entreprise de service informatique. D’ailleurs, encourager l’entrepreneuriat est l’un des trois axes du programme de l’USFP. Comment ? « L’un des moyens est de faciliter la relation que les patrons ont avec l’administration », nous explique le candidat, qui fait également référence à la mise en place de clusters par Ahmed Reda Chami, ancien ministre de l’Industrie USFPiste. Mais à Casablanca, l’USFP n’a pas d’élu pour le moment, dure de convaincre, donc, qu’il fera mieux que les autres. En attendant, les militants restent motivés pour la poursuite de la campagne, et remettront leur tournée à demain.
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