Pour rejoindre les familles nomades de la région désertique de M’Hamid El Ghizlane, au Sud de Zagora, il faut compter plusieurs heures de route sur des pistes chaotiques. Sous la chaleur accablante d’un soleil d’août, Hera vit seule avec son mari à quelques encablures d’un puits. Ici, le temps semble presque suspendu, seulement rythmé par la préparation du thé qui s’étend tout au long de la journée. « La vie est très difficile ici », confie la jeune femme entre deux corvées domestiques.
De nombreuses incertitudes
Depuis près de quatre ans, le couple s’est installé dans ce coin du Sahara. « Ici ce n’est que de la fatigue, on aimerait avoir une véritable maison mais on n’a pas de quoi la construire et puis c’est mon époux qui veut rester ici, moi j’aimerais vivre en ville », explique-t-elle, timidement. Fille de nomade, Hera vit aux rythmes du désert depuis son enfance. « L’école je n’y suis jamais allée, ni moi ni mes parents. J’aurai voulu aller à l’école mais je n’en ai pas trouvé ici », ajoute-t-elle. Sans accès à l’enseignement, la grande majorité des enfants nomades se retrouvent ainsi contraint à l’apprentissage de l’élevage des bétails afin de « perpétuer la tradition ». Pourtant, la situation des nomades au Maroc fait aujourd’hui face à de nombreuses incertitudes sur leur avenir. Ces dernières années, la fermeture de la frontière ou encore la construction du barrage de Ouarzazate a profondément modifié la vie des nomades, sans oublier les périodes de grande sécheresse qui sévissent. Faute d’eau et donc de pâturages, les éleveurs n’ont pas de quoi nourrir leurs troupeaux qu’ils ont perdus petit à petit. « A l’époque de mes parents, au temps du vrai nomadisme, il y avait beaucoup de fatigue mais ils se déplaçaient tout le temps, maintenant on commence tous à se sédentariser, on se déplace beaucoup moins. Nous on a quatre chameaux et à peu près cent têtes de bétail, on vend un peu de ces chèvres ou des dromadaires, c’est notre unique moyen de subsistance», ajoute Hera.
« Ici, les gens sont démunis, ils n’ont pas d’argent ils n’ont rien, celui qui possède du bétail peut en vendre, celui qui n’en a pas reste sans rien », souligne pour sa part Salem El Fadmi. Ce père d’une famille de six enfants s’est sédentarisé depuis plusieurs années à une centaine de mètres d’un puits creusé par une ONG étrangère. Sur place, de gros bidons remplis d’eau jonchent le sol. Pour Salem, outre des conditions de vie particulièrement rudes dans ce coin de désert, c’est la situation de ses enfants qui le préoccupe. « Ce désert est difficile, les enfants ne font pas d’études, y compris les miens qui ne vont pas à l’école », explique-t-il. Nombreux sont les nomades à exprimé leur besoin d’un programme d’éducation pour adultes et enfants. Salem se souvient pourtant de l’école nomade mise en place par une association il y a de ça quelques années. « Les enfants on pu étudier un peu mais quand cette école a disparu, ils sont restés sans rien », déplore-t-il. Hami Aid est aujourd’hui le seul nomade du coin à prodiguer quelques cours de français ou encore de mathématiques aux enfants. Le jeune homme qui a étudié durant quatre ans sur les bancs d’une école nomade tenue par des Français puis des Italiens tente à son tour de s’occuper des enfants de la région. Suite à la fermeture de l’école nomade, la solidarité est de mise pour les populations locales. « Nous avons créé notre propre association. Depuis c’est moi qui enseigne aux enfants, on révise un peu, il n’y a pas d’Etat dans tout ça, ce n’est que nous les nomades. Chaque personne donne un peu d’argent pour que je puisse gagner 1000 dirhams par mois afin de m’occuper des enfants et de leur donner des cours », explique le jeune homme.
Un désir d’intégration dans la vie moderne
Abandonnés par la santé publique, les nomades réclament également un meilleur accès au soin ainsi qu’un suivi médical. Depuis 2009, l’arrivée du réseau téléphonique dans cette partie du désert a cependant été source d’un grand soulagement. « Si quelqu’un de ma famille tombe malade, on appelle l’ambulance qui arrive sur place après 4 heures en provenance de M’Hamid El Ghizlane», explique Salem. Un service d’urgence qui a cependant un coût, bien souvent trop lourd à assumer pour les nomades. « C’est vrai que c’est un peu cher, il faut compter entre 1000 et 1250 dirhams pour que l’ambulance arrive jusqu’ici, parfois ça peut monter jusqu’à 1500 dirhams », précise le père de famille. Seule solution pour survivre, la vente du bétail. « A l’époque de mes parents, il y avait de la pluie et assez de nourriture pour les animaux, le troupeau s’agrandissait mais aujourd’hui c’est le contraire, il n’y a plus de pluie, et avec la sécheresse le troupeau s’amenuise », se lamente Salem. Un drame pour ces nomades qui perdent ainsi leur unique capital, leur unique fortune. Sans perspectives d’un avenir meilleur, les oubliés du Sahara aspirent à un véritable changement de leur situation et leur intégration à une vie plus moderne. « On ne veut plus du nomadisme, j’espère qu’on trouvera une solution. Si on pouvait aller en ville et construire une maison, ça serait beaucoup mieux », confie-t-il. « On ne bénéficie de rien du nomadisme, on espère si Dieu le veut, entrer nous aussi dans la civilisation », conclut Hami.
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