Si la paternité de l’attentat était confirmée, cette attaque serait la première survenue sur le sol turc depuis l’émergence du groupe radical, qui contrôle depuis plus d’un an d’importantes parties des territoires irakien et syrien, notamment près de la Turquie.
L’explosion, très forte, s’est produite aux environs de 12H00 locales dans le jardin d’un centre culturel de Suruç (sud), situé à une dizaine de kilomètres de la ville syrienne de Kobané d’où les jihadistes de l’EI ont été chassés en janvier après quatre mois d’intenses combats face aux milices kurdes de Syrie.
Dans un communiqué, le ministère de l’Intérieur turc a fait état de 27 tués et d’une centaine de blessés hospitalisés, insistant sur le caractère provisoire du bilan. Peu de temps après, un responsable du bureau du Premier ministre turc interrogé par l’AFP a fait état de 28 morts.
« L’explosion a été provoquée par un attentat suicide », a précisé ce responsable sous couvert de l’anonymat, ajoutant que les autorités turques avaient « de fortes raisons » de croire que cette attaque terroriste avait été perpétrée par le groupe EI.
Peu après cette première explosion, une autre attaque à la voiture piégée a visé un barrage de sécurité établi par les milices kurdes dans le sud de Kobané, de l’autre côté de la frontière, a rapporté l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
« Un kamikaze a fait exploser un véhicule piégé à un point de contrôle dans le sud de Kobané. Deux combattants kurdes ont été tués par l’explosion », a déclaré à l’AFP Rami Abdel Rahman, le directeur de cette ONG qui dispose d’un très large réseau d’informateurs sur le territoire syrien.
Cette attaque quasi-simultanée côté syrien « renforce nos suspicions » envers le groupe Etat islamique, a indiqué à l’AFP le responsable turc.
Opérations contre les filières jihadistes
L’attentat suicide intervient quelques semaines après le renforcement par les autorités turques de son dispositif militaire à la frontière syrienne, au lendemain de la victoire remportée par les milices kurdes de Syrie face aux combattants jihadistes dans la bataille pour le contrôle d’une autre ville frontalière syrienne, Tall Abyad.
Selon les analystes, cette décision du gouvernement islamo-conservateur turc visait à la fois à contrer le groupe EI mais aussi à bloquer l’avancée dans le nord de la Syrie des forces kurdes, proches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène depuis 1984 une rébellion contre Ankara.
Les pays occidentaux reprochent régulièrement au gouvernement islamo-conservateur d’Ankara sa neutralité, voire sa complaisance, vis-à-vis des organisations radicales en guerre contre le régime du président syrien Bachar al-Assad, dont l’EI.
La Turquie a toujours démenti ces allégations mais elle a jusque-là refusé de prendre part à la coalition militaire antijihadiste dirigée par les Etats-Unis.
Sous le feu des critiques de ses alliés, elle a toutefois depuis un an sérieusement resserré ses contrôles dans les aéroports et à sa frontière pour empêcher le transit par son sol des recrues étrangères de l’EI en route vers la Syrie.
Elle a également mené ces dernières semaines plusieurs opérations de police, très médiatisées, pour démanteler les filières jihadistes qui passent par son territoire.
L’attentat de Suruç s’est produit alors que des associations turques proches de la gauche s’apprêtaient à annoncer leur volonté de traverser la frontière pour se rendre à Kobané. Ce groupe résidait au centre culturel de Suruç cible de l’attentat.
La ville de Suruç accueille des milliers de réfugiés kurdes de Syrie qui ont quitté la région de Kobané lors de l’offensive lancée par les combattants d’EI en septembre dernier.
Cette attaque et les violents combats qui ont suivi pendant quatre mois ont provoqué l’exode de quelque 200.000 personnes vers la Turquie voisine. Selon les autorités locales turques, seuls environ 35.000 Syriens ont regagné leur pays depuis la fin de la bataille.
Fin juin, le groupe EI a mené une attaque surprise à Kobané, marquant son retour à l’intérieur de la ville par trois attentats suicides. Les combats qui ont suivi ont entraîné la mort de plus de 120 civils.
Après quelques jours, les milices kurdes avaient repris le contrôle total de la ville.
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