Tunisie: l'état d'urgence décrété, des responsables limogés

Le gouverneur de Sousse et plusieurs responsables de la police ont été limogés.

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Le président tunisien Beji Caid Essebsi. Crédit : HO / TUNISIAN PRESIDENTIAL PRESS / AFP.

Le président tunisien Béji Caïd Essebsi a  décrété samedi l’état d’urgence en raison des « dangers menaçant le pays », huit  jours après un attentat sanglant qui a tué 38 touristes. Les autorités, qui ont pour la première fois reconnu des défaillances  sécuritaires vendredi, ont aussi annoncé le limogeage de plusieurs  responsables, dont le gouverneur de Sousse, région où a été perpétrée cette  attaque.

« Au vu des dangers qui menacent le pays, de la situation régionale et de ce  que nous voyons de propagation du terrorisme dans des pays frères (…), nous  avons décidé (…) de proclamer l’état d’urgence sur tout le territoire  tunisien pour 30 jours », a déclaré le chef de l’Etat dans un discours télévisé  à la nation, précisant que cette mesure entrait en vigueur dès ce samedi.

« Le pays est en guerre d’un genre spécial », a-t-il ajouté en avertissant : « Si les évènements de Sousse se répètent, l’Etat va s’effondrer ».

Le 26 juin, un Tunisien de 23 ans, identifié par les autorités comme un étudiant en master nommé Seifeddine Rezgui, a ouvert le feu sur des touristes sur une plage et au bord des piscines d’un hôtel de Port El Kantaoui, près de Sousse (centre-est).

Pas moins de 38 personnes ont été tuées dans cette attaque revendiquée, comme celle qui a tué 21 touristes et un policier tunisien le 18 mars au musée du Bardo à Tunis, par le groupe Etat islamique (EI). Parmi les victimes figurent 30 Britanniques. Le Premier ministre David  Cameron a annoncé dimanche qu’un mémorial permanent allait être créé pour  rendre hommage à ses compatriotes tués à Sousse, lors de l’attaque la plus  meurtrière pour des Britanniques depuis les attentats du 7 juillet 2005 à Londres.

« Excellent outil de répression »

Depuis sa révolution il y a quatre ans, la Tunisie fait face à une progression de la mouvance jihadiste, déjà responsable de la mort de dizaines de policiers et de militaires. Les Tunisiens ont récemment vécu plus de trois ans d’état d’urgence : instauré en janvier 2011, juste avant la fuite du président Zine El Abidine Ben  Ali dans la foulée du soulèvement qui avait lancé « le Printemps arabe », il  avait été sans cesse renouvelé avant d’être levé en mars 2014.

L’état d’urgence accorde des pouvoirs d’exception aux forces de l’ordre, et  autorise les autorités à « prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la  presse et des publications de toute nature ». Les autorités peuvent aussi  interdire les grèves et les réunions « de nature à provoquer ou entretenir le désordre ».

Le président a d’ailleurs évoqué les « revendications insistantes » et les  grèves qui se multiplient. « On ne peut pas continuer comme ça, c’est de la  désobéissance civile », a-t-il dit.

L’annonce de l’état d’urgence plus d’une semaine après l’attentat a suscité  des interrogations. « Pourquoi huit jours après ? », s’est demandé l’analyste tunisien indépendant Selim Kharrat, mettant en garde contre l’ « excellent outil  de répression » qu’il pourrait représenter.

Le président a assuré qu’il n’y aurait pas de recul sur la liberté  d’expression chèrement acquise avec la révolution. « Mais en des circonstances exceptionnelles comme celles-ci, il faut que  quiconque pratiquant la liberté d’expression ou de presse prenne en  considération la situation par laquelle passe le pays, pour ne pas créer de  situation qui pourrait aider ces fléaux que nous combattons », a-t-il ajouté.

Défaillances

Après l’attentat de Port El Kantaoui, la Tunisie a annoncé la mise en place d’un « plan exceptionnel » pour sécuriser plages et sites touristiques. Mais mercredi soir, jour de son entrée en vigueur, le ministre de l’Intérieur avait  lui-même constaté des carences à Hammamet, grande station balnéaire au sud de  Tunis.

Le Premier ministre Habib Essid a lui reconnu vendredi que la police avait  été trop lente lors de l’attentat, premier aveu officiel de défaillances sécuritaires pointées par plusieurs témoignages.

Samedi, les autorités ont annoncé le limogeage du gouverneur de Sousse  ainsi que celui de plusieurs responsables de la police, à Kairouan (centre) où étudiait le tueur, à Sousse et à Gaafour (nord-ouest), sa ville d’origine. Tout « comme il y a eu des défaillances sécuritaires, il y a eu des  défaillances politiques », a déclaré à l’AFP Dhafer Néji, conseiller en  communication auprès du chef du gouvernement.

Huit personnes, dont une femme, ont été arrêtées dans l’enquête sur  l’attentat. Les autorités tunisiennes ont affirmé que Seifeddine Rezgui, comme les deux  auteurs de l’attentat du Bardo, s’était formé au maniement des armes en Libye.

Par ailleurs, le gouvernement a annoncé samedi avoir révoqué le président d’une instance consultative islamique qui avait accusé un penseur tunisien de  dévoyer le sens du Coran comme, selon lui, l’écrivain Salman Rushdie, visé en  1989 par une fatwa pour « blasphème ».

Inès BEL AIBA pour AFP

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