Un rapport dévoile la réalité alarmante de la traite au Maroc

Un récent rapport sur la traite des personnes met en avant des chiffres qui font froid dans le dos.

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Le ministre de la justice Mustapha Ramid. Crédit : Rachid Tniouni

Ce rapport, réalisé par le ministère de la Justice et des libertés, l’ONU femmes et la coopération suisse, établit des vérités qui dérangent et montre comment le Maroc est devenue une plaque tournante de la traite des personnes, à l’import comme à l’export.

Ce rapport a été rédigé dans 8 villes marocaines en plus de contacts par Internet pour les autres pays. Les chercheurs qui ont réalisé l’étude ont souligné trois formes principales de ce phénomène : la traite à but d’exploitation sexuelle, la traite pour exploitation dans le travail forcé et la traite pour exploitation dans la mendicité.

Bien que la détection de ce phénomène est difficilement quantifiable vu l’absence d’une sanction pénale précise pour ce genre d’activités, les rédacteurs du rapport ont bénéficié du concours de la société civile qui avec ce phénomène, les représentations diplomatiques concernées mais aussi les autorités marocaines qui traitent à différent niveau des phénomènes qui s’approchent de la traite.

Femmes et enfants, les plus touchés

Et ce sont spécialement les femmes et les enfants qui sont le plus touchés par ce phénomène. Les victimes sont issues de plusieurs nationalités. Que ce soit sur le territoire national, dans les pays du Golfe ou en Europe, il frappe aussi bien les Marocaines que des femmes du Nigeria, du Cameroun et du Mali. Les femmes marocaines se retrouvent dans cette situation principalement dans les pays du Golfe. Quant aux Subsahariennes qui vivent ce calvaire, elles subissent les trois principales formes de traite : exploitation pour le travail forcé, mendicité et exploitation sexuelle. Finalement les Philippines et les Indonésiennes sont exploitées dans le travail forcé.

La transformation graduelle du Maroc d’un pays de transit en un pays de destination est une des principales causes de la traite des Subsahariennes, bien qu’une partie se trouve forcée de rester au Maroc à cause des frontières fortement sécurisées de l’Europe. Cette réalité, conjuguée aux « difficultés rencontrées pour accéder à l’emploi, aux services de base et pour s’insérer dans la société marocaine mettent les migrants dans une situation de précarité et de vulnérabilité qui sont des causes d’exploitation et de traite des personnes » fait remarquer le rapport. C’est dans « ces conditions structurelles », frontières européennes fortement sécurisées et difficultés de s’intégrer dans la société marocaine, que les réseaux de traites trouvent un terrain fertile.

Les Marocaines sont exploitées plus souvent dans les pays du Golfe. Pour s’y rendre, les jeunes femmes, qui partent initialement pour un contrat de travail, doivent avoir un kafil. Une sorte de tuteur légal. Une fois sur place, elles se trouvent privées de leur passeport, ce qui augmente leur vulnérabilité. Pour les plus chanceuses, elles se trouvent surexploitées par le travail pour un moindre salaire à celui promis avant sa venue. Pour les autres, elles sont réduites à l’exploitation sexuelle. En plus du régime de la kafala, d’autres intermédiaire utilisent la Omra ou le mariage coutumier afin d’amener leur victime dans ces pays.

Un phénomène transnational

Pour les femmes subsahariennes, il y a deux méthodes : par voie aérienne pour les pays qui ne nécessitent pas de visa pour le Maroc, et par voie terrestre illégale pour le reste.

Le cas du Nigeria est édifiant. Le recrutement est y fait par « une personne de confiance ou par un membre de la famille qui offre à la femme (adulte ou mineure) la possibilité d’aller travailler en Europe » note le rapport. Cette « opportunité est vue par la famille et la communauté comme un cadeau, comme une occasion de prospérité ». « Pendant qu’elles sont au Maroc en attendant leur passage, les femmes sont achetées et vendues à des prix qui peuvent varier entre 70 et 1 700 dollars », ajoute encore le document.

Le financement du voyage est fait par « les madames », la victime se retrouve ensuite privée de son passeport et réduite à la situation d’esclavage pour prostitution ou mendicité. En attendant qu’elles passent, elles doivent rembourser leur « dette », au prix fixé de 40 000 à 120 000 dollars, alors qu’en réalité il est de 1 500 à 12 000 dollars. Ces pratiques sont observées principalement à Rabat et à Oujda.

Pour celles qui quittent leur pays sans être achetées, elles utilisent une autre méthode : elle se trouve un « mari de la route » afin d’être « protégée ». Une situation qui l’oblige à emprunter le même chemin que ce « mari » mais aussi d’être exploitée par lui qui voit en elle une source de revenus.

Concernant les femmes asiatiques, leur recrutement diffère de celle des Subsahariens. Il est fait par l’intermédiaire d’agences formelles ou informelles moyennant un prix « très élevé ». Elles sont employées domestiques et la plupart souffrent d’abus, violences physiques et rétention du passeport. Les Indonésiennes seront aussi affectées par ce phénomène mais le rapport n’avance pas de chiffres. Ces pratiques se concentrent à Casablanca, Rabat, Marrakech et Kénitra.

L’Europe rejoint le « club »

Les conclusions du rapport montrent que durant les dernières années, spécialement de 2010 à 2012, des cas sont apparus en Europe. Ainsi 59 cas ont été signalés en Belgique, 47 en France, 36 aux Pays-Bas, 30 au royaume-Uni et 5 au Danemark.

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