Egypte: Mohamed Morsi condamné à mort?

L’ex président égyptien, Mohamed Morsi,  risque d’être condamné à mort dans le cadre de l’un des cinq procès qui lui sont intentés.  

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L'ancien président égyptien, Mohamed Morsi . Crédit: AFP
L'ancien président égyptien, Mohamed Morsi . Crédit: AFP

L’ex-président islamiste égyptien Mohamed Morsi risque d’être condamné à mort mardi pour avoir incité au meurtre de manifestants, 20 mois après sa destitution par Abdel Fattah al-Sissi, l’actuel président. L’hypothèse d’une peine capitale dans le premier des cinq procès qui lui sont intentés est loin d’être exclue, des caciques de son gouvernement et dirigeants de sa confrérie des Frères musulmans ayant déjà écopé de cette sentence ou de la prison à vie.

M. Morsi, premier président élu démocratiquement en Egypte, a été destitué en juillet 2013 par l’armée après des manifestations monstres réclamant son départ au terme d’une année tumultueuse au pouvoir. Depuis, policiers et soldats de M. Sissi, élu président en mai, ont tué plus de 1.400 manifestants pro-Morsi et emprisonné plus de 15.000 de ses partisans avant de s’en prendre à l’opposition laïque et de gauche, fer de lance de la révolte qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir début 2011.

Des centaines de pro-Morsi ont été condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs, qualifiés par l’ONU de « sans précédent dans l’Histoire récente »du monde. Et le régime de M. Sissi, qui jouit d’une popularité indéniable auprès d’une opinion lassée par l’instabilité politique, est considéré par les organisations internationales de défense des droits de l’Homme comme bien plus répressif que celui de M. Moubarak.

Accusé d’ « incitation au meurtre » de manifestants en décembre 2012 quand il était président, M. Morsi, s’il échappe à la peine de mort mardi, sera probablement condamné à la prison à vie. « La justice reste extrêmement politisée et les décisions reposent rarement sur des éléments objectifs » estime Karim Bitar, spécialiste du Moyen-Orient, évoquant une « chasse aux sorcières ».

Mais M. Morsi pourra faire appel et, même condamné à mort, ne devrait pas être pendu selon les experts. « Son exécution représenterait une escalade que les autorités ne semblent pas prêtes à entreprendre », explique H. A. Hellyer, de la Brookings Institution, un think-tank basé à Washington. « La condamnation d’un président élu, renversé par une intervention militaire -même populaire-, sera mal perçue à l’international », ajoute-t-il.

 

« Eliminer » les Frères musulmans

Il n’empêche, une lourde condamnation de l’ex-président serait le dernier clou dans le cercueil de l’opposition islamiste. Car depuis qu’il a renversé Morsi, M. Sissi n’a jamais caché sa volonté « d’éliminer » les Frères musulmans, dont la quasi-totalité des dirigeants encourent la peine de mort dans divers procès. La confrérie, vieille de 85 ans et l’une des principales forces d’opposition, a été décrétée « organisation terroriste » après la chute de Morsi.

Dans l’Histoire d’un pays où les militaires –de Nasser à Moubarak– avaient toujours été au pouvoir depuis la chute de la monarchie en 1952, le coup de force de M. Sissi a marqué la fin d’une parenthèse ouverte avec la révolte populaire de 2011.

Pour Moustafa Kamel al-Sayyed, professeur de sciences politiques à l’université du Caire, l’ampleur de la répression est « sans précédent dans l’histoire des Frères musulmans », et pourrait pousser certains « vers l’extrémisme ». Le mouvement nie néanmoins avoir recours à la violence, à l’heure où le pays est le théâtre d’attentats visant policiers et militaires qui sont revendiqués par des groupes jihadistes disant agir en représailles à la répression.

Mardi, devant un tribunal du Caire, M. Morsi répondra notamment, avec 14 co-accusés dont sept en fuite, de la mort de trois manifestants devant la présidence en décembre 2012. Ils sont accusés d’avoir organisé ou participé à la dispersion violente de la manifestation. La défense souligne le manque de preuves, et rappelle que des pro-Morsi ont aussi été tués dans ces heurts.

Dans d’autres procès en cours, l’ex-président encourt aussi la peine de mort, notamment pour espionnage et évasion de prison durant la révolte de 2011.

Parallèlement, M. Moubarak, condamné à la prison à vie en première instance, a récemment bénéficié en appel d’un abandon des accusations de complicité dans le meurtre de centaines de manifestants durant la révolte de 2011. Et acquitté, comme ses deux fils et des caciques de son régime, dans des affaires de corruption.

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