Le patrimoine architectural de Casablanca vient de prendre un nouveau coup avec la démolition du bâtiment de l’entreprise Légal Frères & Cie le week-end dernier à Mers Sultan, au nez et à la barbe des autorités de Casablanca. Car l’inscription au patrimoine national de l’ancienne usine de transformation de bois, construite en 1932 par les architectes Ziegler et Soulier et Pierre Jabin, proposée en 2012 par l’association Casamémoire, avait été approuvée par la Direction du patrimoine culturel a approuvé en janvier 2013.
Et en ce début d’année 2015, le bâtiment était en cours d’inscription, ce qui impliquait systématiquement un avis défavorable à toute demande de modification ou démolition de l’ancienne usine, désaffectée. Cependant, les propriétaires ont quand même entrepris de la démolir, contre l’avis de l’association et surtout, sans autorisation des autorités, nous explique Rachid Andaloussi, architecte et président de l’association Casamémoire. « Une bonne partie a été démolie de manière anarchique sans autorisation préalable des autorités ». Il explique que les propriétaires « ont procédé à la démolition du bâtiment par l’intérieur», avant d’ajouter, exaspéré, « C’est de la mauvaise foi avérée. Ce sont les nouvelles techniques pour détourner la loi ».
Les autorités incapables d’empêcher la démolition
Jeudi 26 mars, une première démolition a lieu. Mais le lendemain Casamémoire réagit et dénoncé dans un communiqué la destruction « d’un élément tout à fait représentatif du caractère unique et du raffinement exceptionnel des architectures industrielles de la capitale économique». Ce qui n’arrête pas la démolition du bâtiment. Et les interventions de la wilaya restent elles aussi sans effets. « Il y a eu deux tentatives de démolition, une le jeudi 26 mars et l’autre le samedi matin, mais nous les avons arrêtées », nous explique ainsi un responsable de la wilaya de Casablanca.
Cependant, le travail de destruction a continué. Pour Rachid Andaloussi, « l’intervention a probablement eu lieu le samedi au soir », profitant de l’absence des autorités. « Si effectivement le bâtiment est détruit, un agent assermenté constatera les dégâts sur les lieux afin d’écrire un procès verbal. Il l’adressera par la suite au président de la commune qui enverra une requête au procureur », précise le responsable de la wilaya qui confirme « qu’aucune autorisation de démolition n’a été octroyée ».
Rachid Andaloussi, dont l’association milite pour « l’arrêt de cette hémorragie destructive de Casablanca » déplore que les propriétaires de sites patrimoniaux « démolissent systématiquement les bâtiments dès qu’ils apprennent qu’une démarche d’inscription en tant que patrimoine est en marche ». Un fait qui s’explique par le fait que toute modification ou démolition devient impossible dès qu’un site est classé « patrimoine national« .
« Les autorités ont bien compris l’importance du patrimoine », note pourtant Rachid Andaloussi qui rappelle que l’association « ne classe pas les bâtiments historiques pour figer la ville, mais pour créer une dynamique économique et touristique ». Cela pourrait passer par leur intégration dans des circuits touristiques ou encore en leur donnant une nouvelle vie, impliquant une reconversion du lieu. L’exemple le plus parlant serait la Villa Suissa (aujourd’hui appelée Villa Zevaco, nom de l’architecte qui l’a conçue), où siège aujourd’hui le café-restaurant Paul et qui jouit d’un intérêt particulier des Casablancais.
Dans le plan d’aménagement de la ville de Casablanca, cependant, l’entreprise Legal Frères & Cie est située dans une zone immeuble, ce qui accroît l’intérêt de l démolition du bâtiment pour les propriétaires. « Les plans d’aménagement ne tiennent pas en compte des sites à caractère patrimonial », se désole Rachid Andaloussi.
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