De grandes ONG ont accusé ce 12 mars la communauté internationale d’avoir « trahi ses idéaux » en n’ayant pas atténué la souffrance des millions de civils syriens dont la vie a été bouleversée par quatre années de guerre. Dans un rapport intitulé « Echec coupable en Syrie », 21 organisations de défense de droits de l’Homme critiquent l’incapacité des Etats à faire appliquer une série de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU visant à protéger les civils et prévoyant un plus grand accès à l’aide humanitaire pour des millions de Syriens.
« Les résolutions et l’espoir qu’elles apportaient sont devenues vides de sens pour les civils. Elles ont été ignorées (…) par les belligérants, par d’autres pays membres de l’ONU et même par des membres du Conseil de sécurité », selon le rapport. « Nous avons trahi nos idéaux, car nous ne sommes pas supposés regarder des gens souffrir en 2015 », affirme Jan Egeland, secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés qui a contribué au rapport.
Les ONG accusent les forces du régime de recourir systématiquement au viol et au harcèlement sexuel comme méthodes de guerre, et les groupes rebelles, de kidnapper des femmes et des enfants en vue d’échanges de prisonniers. Les belligérants sont également accusés de viser des infrastructures civiles sans discernement, comme les écoles.
« Partout en Syrie, les enfants ne reçoivent pas d’éducation, car nous ne pouvons pas parvenir jusqu’à eux, de nombreuses écoles ont été détruites », s’inquiète Roger Hearn, directeur régional de Save the Children, une des ONG signataires avec notamment Oxfam et International Rescue Committee.
D’après un rapport de l’Unicef, 2,6 millions d’enfants Syriens ne sont pas scolarisés.
Terreau pour l’extrémisme
La crise en Syrie a commencé le 15 mars par des manifestations pacifiques qui ont été réprimées dans le sang, déclenchant une guerre civile qui a fait plus de 210.000 morts, dont 76.000 pour la seule année 2014, la plus sanglante du conflit, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme. Les violences ont en outre contraint plus de 11,2 millions de Syriens à quitter leurs foyers, donnant lieu à ce que l’ONU présente comme la pire crise de réfugiés en 20 ans.
Les ONG affirment que 7,8 millions de Syriens vivent dans des zones définies par l’ONU comme « difficiles d’accès » pour les livraisons d’aide, soit le double qu’en 2013. Alors que les besoins sont croissants, le financement n’est pas à la hauteur: seul 57% des fonds nécessaires au soutien des civils et les réfugiés syriens ont été fournis en 2014 contre 71% en 2013. L’ONU aura besoin de près de 8,4 milliards de dollars d’aide pour les civils l’année prochaine, a indiqué à l’AFP Jan Egeland.
Selon ces ONG, la catastrophe humanitaire en Syrie « entache la conscience de la communauté internationale ». « Nous n’apportons aucun espoir pour des millions de jeunes Syriens (…) comment ne pas croire qu’ils soient facilement attirés par l’extrémisme? », déplore M. Egeland.
« La situation doit changer »
La guerre entre le régime et les rebelles et la souffrance des civils ont été éclipsées l’année dernière par les atrocités commises par les jihadistes du groupe Etat islamique (EI), qui contrôlent de larges territoires dans ce pays et en Irak voisin. Ce groupe, dont les actes suscitent une indignation mondiale, revendiquent des décapitations, des crucifixions, des enlèvements et des traites d’ « esclaves ».
Dans un rapport distinct, Médecins sans frontières (MSF) estime qu’il est « absolument impératif » d’apporter une aide humanitaire internationale « à grande échelle ». L’ONG s’alarme notamment du sort des civils blessés par les barils d’explosifs largués par les forces armées du régime à Alep, sur les quartiers rebelles de cette grande ville du nord. Le régime dément l’utilisation de ces barils.
En raison d’un manque chronique d’équipements médicaux, les médecins sont souvent obligés de procéder à des amputations alors qu’en temps normal les membres des blessés pourraient être sauvés, indique MSF. Trouver une chaise roulante est quasi impossible et les prothèses manquent, déplore l’ONG.
Selon M. Egeland, le monde continuera de faire face aux conséquences de la crise syrienne « pour les deux prochaines générations ». « Nous avons espéré un changement il y a un an, et nous avons échoué », dit-il. « Aujourd’hui, en 2015, la situation peut changer. Elle doit changer ».
Maya GEBEILY pour AFP
Regarder la vidéo du collectif d’ONG With Syria :
Depuis le début du conflit, il y a quatre ans, la Syrie a perdu la grande majorité de ses lumières. Environ 83 % d’entre elles ne fonctionnent plus, a rapporté le mercredi 11 mars la coalition #withSyria. Ce chiffre a été établi par des scientifiques qui ont comparé les images satellites avant et après le conflit.
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