Les autorités ont procédé au démantèlement des campements de migrants clandestins près de Nador dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 février. Plus de 1 200 personnes ont été arrêtées, certaines auraient été blessées. Les migrants sont maintenant détenus dans plusieurs centres de rétention provisoire improvisés.
Dans son émission Les Observateurs la chaîne d’information France 24 a recueilli les témoignages de deux migrants retenus dans ces centres. Le premier, Sylvain (pseudonyme) est de nationalité ivoirienne. Il explique qu’après avoir tenté de traverser une troisième fois la frontière de Melilia, il a été arrêté en compagnie de plusieurs autres migrants. Sylvain et son groupe ont ensuite été embarqués dans des bus par des militaires. « Puis nous avons roulé pendant plusieurs heures jusque dans le désert. On n’avait aucune indication [sur l’endroit] où on allait », indique le migrant à France 24.
« Ils nous ont lancé la nourriture comme si on était des animaux »
Les bus ont conduit Sylvain « dans une sorte de maison avec sept pièces » où il occupait une pièce de 15 m² avec douze autres migrants. Ils y ont passé la nuit « allongés sur un petit tapis ». Ils ont le droit à un repas par jour, composé «d’un petit bout de pain et de fromage avec un sachet de lait ». « Ils nous ont lancé la nourriture en disant « attrape » comme si on était des animaux », décrit-t-il.
Sylvain précise également que lui et ses compagnons étaient obligés de faire leur besoin en présence de vigiles qui les accompagnaient. «On a le sentiment qu’ils font tout pour nous humilier», a-t’il confié. De même, il explique que deux mineurs de 13 et 15 ans se trouvaient dans son groupe. Ces derniers ne bénéficiaient d’« aucun traitement de faveur». Sylvain conclut son récit en déclarant « on a tenté d’aller à Melilia, et on a perdu. Mais un immigré n’est pas un criminel : notre but, c’est de passer en Europe pour aider notre famille, car ici au Maroc, on n’a aucune perspective ».
Des opérations de démantèlement bientôt généralisées
Michel, un autre migrant arrêté et détenu dans un autre centre, a estimé au vu des personnes âgées qu’il a pu observer depuis la fenêtre de son dortoir, être retenu dans une maison de retraite. Sans préciser les circonstances de son interpellation, il raconte qu’il a dû attendre plus de 24 heures avant de recevoir les premiers soins. « Certains nous ont dit qu’on allait être régularisés, mais on se méfie beaucoup, et on refuse de signer tout document », a affirmé Michel.
Dans un communiqué publié mercredi 11 février, le ministère de l’Intérieur explique que cette opération de démantèlement « a permis la libération de plusieurs migrants, notamment des femmes et enfants, qui étaient contraints de vivre au sein de cette forêt par les réseaux de passeurs et de traite des êtres humains», mais ne donne pas d’indications sur le nombre de migrants qui ont été placés dans des camps de rétention improvisés.
L’Intérieur a également indiqué que des « opérations similaires» seraient «systématiquement conduites pour évacuer tous les endroits squattés par les migrants qui planifient d’organiser des tentatives d’émigration irrégulière».
«Ces opérations cachent des préparatifs de rapatriements»
De son côté, le Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants (GADEM) affirme dans un communiqué parvenu à Telquel.ma que 1 200 personnes ont été arrêtées et conduites vers différentes villes : Errachidia, Goulmima, El Jadida, Safi, Youssoufia, Agadir, Kelâat, Sraghna, Chichaoua, Essaouria ou Tiznit, « pour les lieux que le GADEM a pu identifier à la date du mercredi 11 février 2015 ».
Pour l’association, qui dénonce plusieurs infractions à la loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l’émigration et l’immigration clandestine, «ces opérations cachent des préparatifs de rapatriements collectifs dans les pays d’origine». Les circonstances du démantèlement et de l’acheminement des migrants dans ces camps rappelleraient «les événements de Sebta et Melilia en 2005, au cours desquels les migrants [avaient été] embarqués dans des avions».
Cette opération intervient alors que le royaume vient de boucler la campagne «exceptionnelle» de régularisations de migrants organisée en 2014 et au cours de laquelle quelque 27 000 demandes ont été déposées et plus de 16 000 acceptées.
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