Emploi: les chiffres choc de la discrimination féminine

Dans son deuxième rapport consacré aux « discriminations à l’égard des femmes dans la vie économique », le CESE révèle des chiffres alarmants sur la situation des Marocaines dans le monde de l’emploi. Telquel.ma fait le point.

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Une réduction complète de l’écart d’emploi entre les femmes et les hommes induirait une hausse du PIB par habitant de 39,5 %.

Les femmes actives marocaines ont la vie dure. Dans son deuxième rapport, qui est issu d’une auto-saisine, sur l’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail, le Conseil économique social et environnemental (CESE) dépeint une situation alarmante de la vie active pour les femmes marocaines. Alors que le premier rapport, publié en 2012, contenait essentiellement des recommandations adressées au gouvernement pour lutter contre la discrimination féminine, cette nouvelle mouture, adoptée le 27 novembre par le CESE, se penche notamment sur les réalités de l’emploi féminin ainsi que les lois « ineffectives » qui les handicapent. Le Conseil livre, pour la deuxième fois, une batterie de recommandations adressées au gouvernement. Telquel.ma fait le point. En chiffres.

Moins d’une femme sur quatre dispose d’un emploi

2,74 : En millions, le nombre de femmes actives occupées. 1,03 million d’entre elles travaillent en milieu urbain, 1,71 million dans le monde rural.

22,7 % : Le taux d’emploi féminin au Maroc (rapport entre le nombre d’individus ayant un emploi et le nombre total d’individus), ce qui signifie que moins d’une femme sur quatre bénéficie d’un emploi.

26,8 % : Le pourcentage de femmes dans la population active (qui compte 11,3 millions de personnes).

30 % : Le taux d’emploi des femmes dépasse les 30 % dans des régions agricoles comme celles du Doukkala, Souss-Massa-Draâ ou le Gharb.

130e sur 142 pays : Le classement du Maroc à l’échelle mondiale en termes d’écart salarial entre les hommes et les femmes. Le royaume se situe vers le bas du classement, derrière d’autres pays du monde arabe comme le Qatar, le Koweït et la Tunisie.

Les femmes, victimes de pratiques illégales

73,2 % : Le pourcentage de femmes rurales concernées par l’emploi précoce (avant l’âge de 15 ans). Une forme d’emploi qui représente pour le CESE une « forme d’exploitation pure et simple d’enfants en âge de scolarisation qui doit être dénoncée ». Qui plus est, l’emploi précoce viole les droits de l’enfant car il prive « les filles de leur droit d’accès à l’éducation et à la formation ».

78,9 % : Le pourcentage d’ouvrières opérant dans le secteur du textile qui n’ont pas pu bénéficier d’un congé de maternité payé.

87,5 % : Le pourcentage de femmes travaillant sans contrat écrit dans le monde rural. Ce taux est de 54,2 % dans le monde urbain. Cela signifie que ces personnes « travaillent sans contrat écrit et ne sont donc pas couvertes par le Code du travail ». A noter que le texte régissant les conditions d’emploi et de travail des employés de maison n’a toujours pas été adopté.

Les femmes sont exclues des postes de responsabilités

0,1 % : Le pourcentage de femmes occupant un poste de responsabilité au sein d’entreprises privées dans le domaine du commerce, de l’industrie et des services.

0,38 % : Le pourcentage de délégués syndicaux appartenant à la gent féminine.

6 % : Le taux de féminisation du poste de « secrétaire général » dans la fonction publique. Celui du poste de directrice est de 11 %.

7 % : Le pourcentage de femmes occupant des rôles d’administrateurs dans les plus grandes entreprises publiques. La gent féminine représente 11 % des administrateurs des sociétés cotées.

12 % : Le pourcentage de postes de direction occupées par des femmes.

50 % : Plus de la moitié des entreprises cotées ne comptent aucune femme dans leurs organes de gouvernance.

Les recommandations du CESE

Pour remédier aux problèmes entravant l’égalité des hommes et des femmes dans le monde de l’emploi, le CESE a accompagné son rapport de quatre recommandations adressées au gouvernement.

Ainsi, le Conseil suggère au gouvernement de se « doter d’instruments performants et d’indicateurs conformes […] qui permettent d’appréhender l’effectivité de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie économique en tant qu’outil pour la réduction des inégalités ». Une mesure qui passe par l’harmonisation de la « définition des indicateurs produits par les différents organismes (dont en particulier, le HCP), notamment avec la convention relative aux droits de l’enfant et les normes du BIT (Bureau international du travail) ».

Cela signifie entre autres que le Maroc doit adopter l’âge de 15 ans comme âge minimal d’activité. Cela signifie aussi que la catégorie des « femmes au foyer », qui normalise une représentation sexiste, doit être remplacée par les deux catégories suivantes : « personnes adultes au foyer » et « enfants déscolarisés ». L’institution dirigée par Nizar Baraka préconise également la mise en place d’un Observatoire national de l’emploi qui produira régulièrement des rapports sur la participation des femmes à l’activité économique et les discriminations dont elles sont victimes.

Le CESE recommande également l’instauration d’un « cadre favorable à l’égalité économique entre les femmes et les hommes et à la conciliation entre les responsabilités professionnelles et familiales ». Une mesure qui passe par le fait de ratifier la convention de l’Organisation internationale du travail sur « les travailleurs ayant une responsabilité familiale et la mettre en œuvre, conformément à l’esprit du Code de la Famille, qui a instauré la coresponsabilité des parents au sein des familles ». Le Conseil suggère également la mise en place « de campagnes d’information, de formation et de sensibilisation des administrations et des entreprises en matière de prévention de la discrimination ».

Le Conseil mentionne également la facilitation de l’accès à l’emploi aux femmes. Parmi les mesures accompagnant cette suggestion figure le fait de mettre en place des « mesures incitatives et d’accorder le droit […] des avantages fiscaux aux entreprises privées inclusives qui instaurent la parité dans leurs différentes instances ». En vue de favoriser l’accès des femmes à l’emploi, le CESE préconise également la promotion d’une « formation qualifiante et l’accès des filles à l’ensemble des filières offertes dans les formations à dominante masculine ».

Enfin, l’institution dirigée par Nizar Baraka prône la promotion et l’accompagnement de l’entrepreneuriat féminin par le développement de mécanismes d’accompagnement des femmes entrepreneurs dans les différentes régions du royaume. Le CESE recommande également au gouvernement d’encourager « l’accès des entreprises féminines aux appels d’offre des secteurs public et privé, afin de garantir l’égal accès aux marchés pour  les entreprises masculines et féminines ».

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