Le gouvernement Benkirane a-t-il vraiment réussi à lutter contre la corruption?

Lors d’une intervention au parlement, Abdelilah Benkirane a présenté la lutte contre la corruption comme l’une des réussites de son gouvernement. Est-il dans le vrai ? Telquel.ma fait le point.

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« Il faut jeter un coup d’œil aux réalisations du gouvernement [comme la lutte contre] la corruption. […] Transparency International a publié un rapport indiquant que le Maroc  a grimpé de 11 places dans le domaine de la lutte contre la corruption ». C’est en ces termes que le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, a présenté, le 3 décembre, les avancées de son gouvernement dans le domaine de la lutte contre la corruption. Pourtant, selon des études récentes, l’opinion publique ne semble pas partager l’optimisme du chef du PJD concernant la thématique de la corruption…

Les indices internationaux confirment…

Les indices internationaux semblent confirmer les dires du chef du gouvernement. Ainsi les notes attribuées par l’ONG Transparency International au Maroc ont connu une évolution. Entre 2011, soit le début du mandat d’Abdelilah Benkirane, et 2014 le Maroc a gagné cinq points dans l’indice établi par Transparency passant de 34 à 39 points. Malgré cette évolution, la note du Maroc reste toujours inférieure à celle de la Tunisie qui a pourtant dû traverser le printemps arabe. Dans la région du Maghreb, le Maroc figure au deuxième rang, derrière la Tunisie donc, mais devant l’Algérie, la Mauritanie et la Libye. Le royaume a enregistré l’évolution la plus importante de tous les pays du Maghreb.

Autre indice de référence, celui établi par l’ONG World Justice Project (WJP) qui, chaque deux ans, évalue les systèmes judiciaires de plus de 90 pays. L’un des critères sélectionné pour l’évaluation de ces systèmes est l’absence de corruption. Dans ce domaine,  le royaume figurait, en 2012, au 80e rang mondial (sur 97 pays) et est passé au 62e rang (sur 99 pays) en 2014. La note du Maroc dans cet indice s’est considérablement améliorée passant de 0,33 à 0,44 (sur 1).

Néanmoins, Abdelilah Benkirane avait affirmé que  le Maroc a avancé de 11 places dans le domaine de la lutte contre la corruption. Une affirmation qui semble justifiée par le dernier rapport publié, le 2 décembre,  par l’ONG Transparency International . Pourtant cette évolution de onze rangs est un trompe-l’œil. Car, durant le mandat du chef du PJD, le Maroc a d’abord reculé de onze places (80e en 2011, 88e en 2012, 91e en 2013) avant de faire un bond au classement cette année

 … contrairement aux Marocains

Bien que les indices internationaux semblent confirmer que le gouvernement a lutté de manière effective contre le gouvernement, la population marocaine ne semble pas convaincue.  En effet, un récent sondage effectué par TNS et Telquel classe la corruption comme étant le problème le plus important du Maroc.

Autre révélateur de la vision des marocains concernant la corruption, une récente étude de l’ICPC  dont les résultats ne sont pas encore définitifs, car toujours en cours de traitement. Celle-ci, nous apprend que 45,1% des marocains pensent que la corruption a augmenté entre 2012 et 2014, ce qui correspond à  l’introduction du gouvernement Benkirane. La recherche de l’ICPC se penche aussi sur la vision qu’ont les Marocains au sujet de l’évolution de la corruption.  Ainsi, on apprend que 22,8% des personnes sondées par l’ICPC estiment que la corruption va connaitre une augmentation durant les deux prochaines années. Toutefois, ce chiffre peut être nuancé lorsque l’on sait  que 31,5% des sondés pensent que la corruption va rester la même sachant que 13,6% des personnes interrogées par l’ICPC n’ont pas voulu répondre aux questions de l’Instance.

Blocage institutionnel

Autre problème au niveau local, le blocage institutionnel dont est victime le principal organisme censé lutter contre le phénomène de la corruption, l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPC) qui est vouée à remplacer l’actuelle ICPC. Selon Transparency, le projet de loi marquant la création de cette institution « supprimé le droit à l’anonymat des personnes qui peuvent porter plainte contre des cas de corruption ».

Autre hic, la future instance manque d’indépendance vis-à-vis du gouvernement. En effet, les 12 personnes qui siègeront au sein du conseil de l’INPC seront nommées « par dahir, décret ou par les deux chambres du parlement ». Au niveau du financement, l’INPC, contrairement à l’ICPC, ne pourra plus recevoir de fonds d’organismes internationaux et dépendra uniquement du gouvernement.

Lire aussi : Corruption: le gouvernement fait du rétropédalage

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Benkirane est parvenu à faire reculer le phénomène de la corruption comme en atteste les chiffres de Transparency International et de WJP. Néanmoins, l’évolution «  de 11 places » présentée par Benkirane comme une réussite n’est en fait qu’un retour à la normale. Enfin, malgré des efforts remarqués à l’échelle internationale, le gouvernement Benkirane n’a pas réussi à convaincre les Marocains qui estiment que le phénomène s’est aggravé et le classent même au premier rang de leurs inquiétudes. Au niveau législatif, le gouvernement Benkirane  n’a pas accordé d’indépendance aux institutions censées lutter contre la corruption.

 

 

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