« A quoi bon en rajouter, la réalité est déjà tellement insoutenable ! », confie le réalisateur Abderrahmane Sissako. Inspiré de faits réels, son dernier long métrage, qui a été le seul à représenter l’Afrique en compétition officielle du Festival de Cannes 2014, sort le 11 décembre prochain au Maroc et en France. Tourné à Oualata en Mauritanie, pour des raisons de sécurité, l’histoire se passe pourtant à Tombouctou, durant l’occupation des jihadistes en 2012, avant qu’ils ne soient évincés par l’armée française lors d’une opération militaire en 2013.
S’il s’inspire de faits réels, Timbuktu n’est pas pour autant un documentaire. Il part d’un fait historique récent et en tisse une histoire poignante mais paradoxalement poétique. C’est l’histoire de Kidane, qui a une petite fille, qui vit paisiblement avec sa famille malgré la répression et les contraintes pour adhérer aux règles les plus absurdes des jihadistes. Dans un accès de colère, il assassine un pêcheur qui a tué une de ses vaches et se trouve donc à la merci des jihadistes tant redoutés.
Faire le mort pour rester en vie
Quand la terreur règne, se faire discret est une condition de survie. Les rues de Tombouctou se sont vite transformées en lieux de répression : cigarettes et musique prohibées, mais aussi voile obligatoire pour les femmes et mariages forcés ont rythmé le quotidien d’une population qui était connue pour sa tolérance et sa joie de vivre.
Avec un casting constitué essentiellement d’amateurs, parfois rencontrés à la dernière minute pendant le tournage, Abderrahmane Sissako arrive à réaliser un film poignant, avec une esthétique réussie. Les dunes côtoient la terreur pour amplifier le renfermement de la population du village, et à chaque coucher de soleil survient pourtant l’espoir d’un lendemain meilleur.
C’est que Timbuktu est une histoire universelle : si les événements ont lieu dans cette ville du Mali, l’histoire, elle, est celle de tous ceux qui se sont retrouvés sur les routes, contraints à l’égarement, suite à l’occupation de leurs terres par des organisations terroristes. Face à cela, point de soumission, les habitants résistent malgré tout, avec le peu de marge qu’il leur reste pour ne pas compromettre leur vie : dans le film, la vendeuse de poissons offre une lame aux terroristes pour lui couper ses mains qu’elle ne saurait cacher pour entretenir son stand, quand les enfants se voient interdits de football, ils y jouent quand même… avec un ballon imaginaire, et quand une femme reçoit des coups de fouet pour avoir chanté chez elle, elle reprend au même couplet où on l’a laissée pendant qu’elle subit les pires sévices.
A partir du 11 décembre au Cinéma la Renaissance à Rabat, au Cinéma ABC à Casablanca et à la Cinémathèque de Tanger.
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