FMDH: corruption, manifs et débat houleux sur la liberté de conscience

La troisième journée du Forum mondial des droits de l’homme à Marrakech a été pour le moins animée. Récit.

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Un peu plus d'une centaine de personnes étaient présentes lors des manifestations des boycotteurs. Crédit: Rachid Tniouni

Samedi 29 novembre, troisième journée du Forum mondial des droits de l’homme organisé dans la ville ocre. Le programme est chargé: un débat houleux sur la liberté de conscience, les manifestations des boycotteurs du forum ainsi que la présentation des données de l’Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC). Récit.

Le coût de la corruption

Dans le cadre d’un panel consacré à la thématique de la corruption, l’ICPC a a d’abord rappelé l’importance du phénomène et ses conséquences sur le Maroc.  Selon une étude de la Banque Mondiale, le coût de la corruption représente 5% du PIB marocain, soit 39 milliards de dirhams. C’est à dire 10 fois le budget de la Justice… ou trois fois celui de la Santé. Une somme qui aurait pu contribuer à la construction de 155 000 logements sociaux.

Mais l’ICPC a aussi révélé les premiers résultats de son enquête nationale: selon les 4 000 Marocains interrogés, les secteurs les plus gangrenés par la corruption sont la santé, les services des arrondissements, la police et les transports. Enfin, la corruption figure au cinquième rang des inquiétudes des citoyens (le chômage étant ce qui les inquiète le plus).

Echauffourée au nom de la liberté de conscience

Autre évènement important de ce samedi matin, l’atelier « Défendre la liberté de conscience, une responsabilité individuelle et collective » et organisé et animé par l’association pro-liberté de conscience « Damir ».  Quelque 200 militants du Maroc, mais aussi de toute la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena) ont exposé des positions souvent clivantes. Les divisions ont notamment porté sur les droits des personnes homosexuelles, la manière d’enseigner l’islam dans les écoles, etc.

Les experts ont d’ailleurs vu leurs interventions limitées par la prise de contrôle de l’audience. Ainsi, l’un participants est revenu sur l’élaboration de la constitution de 2011. On s’en souvient, il fut un temps question d’inscrire la « liberté de conscience » dans le texte. Mais le PJD avait, à l’époque, menacé de voter contre s’il comportait cette disposition aux « conséquences néfastes » sur « l’identité islamique » du Maroc, selon lui. Ont aussi été évoqués le non-respect du jeûne pendant le ramadan et l’apostasie, toujours passibles de prison.

Présent dans la salle, le vice-président du Mouvement unicité et réforme (MUR, association proche du PJD ), Mohamed Hillali, est alors intervenu pour faire part de sa frustration d’être écarté du débat : « On ne peut pas accuser une partie absente et qui ne peut pas se défendre ». Une intervention qui a provoqué un véritable brouhaha, la salle se scindant en deux et les discussions étant interrompues pendant une dizaine de minutes.

Finalement, à l’occasion des sessions de question-réponse, Mohamed Hillali a repris la parole pour préciser la position du Mouvement concernant la liberté de conscience : « Nous sommes pour la liberté de croyance et nos foqaha y réfléchissent ».

 Et encore des manifestations 

Enfin, l’entrée du Village mondial du Forum a encore une fois accueilli plusieurs manifestations organisées par des ONG boycottant le FMDH. En fin de matinée, plusieurs associations amazighes ont ainsi dénoncé la tenue du forum au Maroc. Puis, dans l’après-midi, un peu plus d’une centaine de personnes, (soit près de 200 personnes de moins que lors de l’ouverture du forum, jeudi 27 novembre) représentant différentes ONG ayant boycotté le Forum, ont manifesté.

Parmi ces ONG, l’Association marocaine des droits humains (AMDH), certains de ses membres profitant de l’occasion pour distribuer des dossiers de presse détaillant les raisons de leur boycott (notamment l’interdiction par l’Intérieur de plusieurs événements organisés par l’AMDH ces derniers mois).

Etaient également présents des militants de l’UMT, ou de l’Union Nationale des étudiants du Maroc (réclamant la libération des détenus politiques au Maroc) ainsi qu’un groupe demandant la libération des personnes impliquées dans l’affaire Abdelkader Belliraj. Des membres du mouvement Al Adl Wal Ihsane ont aussi participé, appelant à la libération d’Omar Mouhib, membre de la Jamaa détenu depuis 2012.
Les différents mouvements avaient néanmoins tous une revendication en commun: la fin de l’impunité et l’arrêt de la torture.D’ailleurs, parmi les slogans scandés on a pu entendre : « Non à l’impunité » ou « On a le Forum mais où sont nos droits »…  Cependant, la manifestation a été largement ignorée par les passants qui se dirigeaient vers le village mondial.

 

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