Droits de l'Homme: pour Mohammed VI, l’Afrique «doit assumer son rôle»

Dans son discours pour l’ouverture du Forum mondial des droits de l’Homme à Marrakech,  Mohammed VI a affirmé que l'Afrique est désormais suffisamment "mûre" pour contribuer à l'élaboration de normes de droits humains. Il a aussi évoqué la peine de mort.

Par

Mustapha Ramid. Crédit: Rachid Tniouni
Mustapha Ramid. Crédit: Rachid Tniouni

Après Abdelilah Benkirane, c’est au tour de Mustapha Ramid d’endosser le rôle de porte-parole du roi Mohammed VI (qui a annulé tous ses obligations officielles en raison d’une grippe). Le ministre de la Justice et des libertés a lu un message du souverain à l’occasion de l’ouverture du Forum mondial des droits de l’Homme à Marrakech, jeudi 27 novembre.

« L’Afrique est suffisamment mûre »

Dans la lignée de son discours, prononcé par Abdelilah Benkirane à New York, le roi a, encore, dénoncé les modèles que les pays du Nord veulent imposer aux pays en développement. Mais Mohammed VI s’est concentré cette fois-ci sur l’Afrique. Le message lu par Mustapha Ramid appelle le continent à ne « plus être, invariablement, le sujet des rapports internationaux et l’objet inextricable des évaluations extérieures ». L’Afrique « ne peut rester l’objet sempiternel des débats sur les droits de l’Homme » et des « rapports internationaux« ,  et ne « plus rester simple consommatrice de normes internationales »

Plus question donc, pour le souverain, que le continent soit  « en marge d’un terrain qui doit aussi être le sien ». Une volonté justifiée, selon Mohammed VI, par le fait que l’Afrique est« suffisamment mûre […] pour assumer pleinement son rôle » et souhaite être « écoutée » pour dire « sa conception à la contribution des normes » internationales en la matière. Des normes internationales qui, selon le message royal, ne pourraient qu’être enrichies par la « culture », « l’histoire » et le « génie » du continent.

Mohammed VI pour l’abolition de la peine de mort?

Autre axe du discours de Mohammed VI : les droits des femmes. Ainsi, le souverain est revenu sur les avancées du Maroc en matière de droits des femmes, mais a reconnu qu’il « restait beaucoup à faire« . Il a annoncé qu’une loi sur le travail domestique, qui concerne particulièrement les jeunes filles, est en discussion au parlement. Il a également révélé qu’une loi portant sur la « lutte contre la violence à l’égard des femmes » est en  cours de préparation.

Mohammed VI a également rappelé que les « instruments de ratification du protocole facultatif de la Convention internationale contre la torture et autres traitements inhumains » viennent d’être déposés par le Maroc auprès de l’ONU.  Ce dépôt prévoit la mise en place d’instruments pour lutter contre la torture, afin de prévenir efficacement son utilisation dans les commissariats ou dans les centres pénitenciers.

Plus surprenant, le discours a rapidement évoqué de la peine capitale, le roi se « félicitant du débat, autour de la peine de mort, mené à l’initiative de la société civile et de nombreux parlementaires et juristes. » Mais il ne s’engage pas plus avant, ajoutant juste que le débat permettra « la maturation et l’approfondissement de cette problématique« .

Les soulaliyates applaudies

La séance d’ouverture, qui s’est déroulée sous un chapiteau archi-comble, a été marquée par les applaudissements de l’assistance surtout à l’évocation de la question des droits des femmes, et notamment de la problématique des « femmes soulaliyates » qui se battent pour leur droit à l’héritage sur les « terres collectives ».

« Nous voulons être l’égal de l’homme (…) avoir les mêmes droits que nos frères et oncles sur les terres de nos grands-parents« , a déclaré en draija la représentante des « soulaliyates », appelant à l’élaboration d’une « loi » pour garantir à ces femmes l’accès à l’héritage.

Et une contestation toujours présente

Pour rappel, le Forum mondial des droits de l’homme, qui se tient jusqu’au 30 novembre rassemble plusieurs personnalités dont l’ancien chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero et des représentants d’ONG internationales.  Les participants au FMDH doivent débattre d’une large palette de thématiques : droits des femmes, abolition de la peine de mort, droit des enfants, liberté de conscience, etc.

Mais son organisation au Maroc fait l’objet de contestation. Huit associations de défense des droits de l’homme marocaines, parmi lesquelles l’AMDH (Association marocaine des droits humains), boycottent l’événement, notamment pour protester contre l’interdiction de plusieurs de leurs réunions. Lors de la cérémonie d’ouverture, environ 300 manifestants ont protesté à quelques centaines de mètres du lieu accueillant le Forum. Des membres des associations contestantes, rejoints par des étudiants et de simples citoyens marrakchis,  ont scandé « non à l’impunité » réitérant leur décision de « boycott« . S’y ajoutaient des slogans contre la corruption et l’impunité, ou réclamant  la libération des détenus politiques.

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer