Les mauvaises relations entre le Maroc et la France la privent de son fils

Nadia A. n’a pas vu son fils depuis deux ans. Pourtant la justice marocaine a ordonné qu'il lui soit rendu. Une décision sans effet à cause du gel de la coopération judiciaire entre la France et le Maroc.

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Youssef et sa soeur, à Paris. Crédit : DR.

« Je n’ai pas vu mon fils depuis 2012 » s’insurge Nadia A. Il y a deux ans, son mari – dont elle est séparée – a emmené leur fils au Maroc et refuse depuis que ce dernier retourne en France où vivent sa mère (franco-marocaine) et sa sœur. La justice marocaine a pourtant rendu des jugements favorables à Nadia A. … Le tribunal de première instance de Rabat a ainsi ordonné au père de « restituer instamment l’enfant Youssef L. à sa résidence habituelle en France » en février 2014, une décision confirmée par la cour d’appel de Rabat en mai. Mais le père refuse toujours de lui rendre le jeune garçon, âgé de 10 ans.

Et  même si le jugement indique que les autorités  « sont tenues de prendre les mesures nécessaires » pour faire appliquer la décision de justice, il n’en a rien été fait. En cause : le gel de la coopération judiciaire entre les deux pays. Une coopération suspendue par le Maroc en février dernier, après l’irruption de policiers à la résidence de l’ambassadeur du royaume à Paris pour remettre une convocation au numéro un du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi, soupçonné de « complicité de torture ».

« Le parquet de Rabat ne veut pas exécuter la décision parce qu’elle a été rendue en vertu d’un accord entre les deux pays », nous explique Me Véronique Chauveau, l’avocate française de la mère, qui regrette : « On ne peut pas bloquer un enfant pour une histoire diplomatique, son intérêt devrait passer au-dessus ». L’avocate reconnaît cependant que « le Maroc est vachement courageux au niveau des conventions internationales ». C’est en effet le seul Etat de la région a avoir ratifié la Convention de La Haye de 1980 relative aux enlèvements d’enfants.

Seul le roi peut débloquer la situation

Le texte en question prévoit que si un enfant est enlevé dans un pays signataire de la convention, le juge de ce pays doit renvoyer l’enfant, sans examiner le fond de l’affaire.

Mais selon Nadia A., le procureur du roi lui aurait expliqué : « Là où il y a l’odeur de la France on ne veut pas en entendre parler ». Il lui aurait ensuite conseillé d’écrire au roi. Un conseil que son avocat marocain, Me Noureddine El Mejjati, lui a également donné. « Nous souhaitons que les relations diplomatiques reprennent, et c’est juste une question de temps. Mais le roi est le seul à pouvoir prendre une décision », déclare à Telquel.ma Noureddine El Mejati. Mais Me Véronique Chauveau s’inquiète : « Plus on attend, moins l’enfant pourra rentrer ».

Pour le père, il ne s’agit pas d’un enlèvement

A noter que les deux parents nous livrent deux versions différentes des faits. Selon le père, Abdellatif L., que nous avons contacté, la résidence principale de Youssef se trouve au Maroc, où il est scolarisé alors qu’il se sent très mal en France. Pour lui, il ne s’agit donc aucunement d’un enlèvement. Il assure que « sa mère était d’accord pour réinstaller son fils au Maroc ». Un accord que Nadia A.  nie avoir jamais donné. Et elle fait valoir que la justice française vient de lui donner raison en lui accordant la garde exclusive de ses deux enfants.

Depuis 2012, Nadia A. fait régulièrement des allers retours entre les deux pays. « Quand je suis au Maroc, mon ex-mari garde Youssef à la maison et il ne va plus à l’école ». Cet été, elle a pu voir son fils, mais en présence d’un huissier et sans pouvoir s’en approcher. « Je n’ai même pas pu serrer mon fils dans mes bras, je n’ai pas pu câliner mon enfant » nous explique-t-elle. Nadia Abasri est d’autant plus inquiète depuis qu’elle a découvert, il y a quelques mois, que Youssef était suivi par un pédopsychiatre qui lui prescrivait des neuroleptiques. Selon elle, son enfant est danger.

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