A Marrakech, la 5e édition du sommet mondial de l’entrepreneuriat (GES, en anglais) a permis à plus de 3 000 entrepreneurs, marocains et des quatre coins du monde, de se rencontrer pour échanger autour de leurs projets.
La technologie et l’innovation, thèmes majeurs du GES de Marrakech, peuvent avoir des applications très concrètes au service du développement. C’est ce à quoi travaillent notamment Faouzi Talhi, Saïda Bouhmidi, Yassine Jaouad et Sami El Fakir. Rencontre.
Informatiser les exploitations agricoles
Dates de vaccination des bêtes, contrôle de la température, gestion de l’alimentation et de l’hydration des bêtes, calcul de la rentabilité des différentes serres… pour gérer une exploitation relativement importante, l’agriculteur a besoin d’être bien organisé. Actuellement, les agriculteurs marocains n’ont d’autre choix pour gérer leurs exploitations de façon optimale que de se tourner vers des logiciels édités à l’étranger, « au coût avoisinnant les 12 000 dirhams », explique Faouzi Talhi, vétérinaire installé à Tanger. Associé à un développeur indépendant, le véto entrepreneur, fondateur de l’entreprise Agroveto, s’est lancé dans l’édition d’un logiciel qu’il pense commercialiser entre 2 000 et 3 000 dirhams, en commençant par la filière avicole, « la plus importante numériquement au Maroc ». A terme, le logiciel sera même accessible par smartphone. Sa cible, ce sont les quelques 6 000 éleveurs de poulets agréés et soumis aux normes sanitaires en vigueur.
Ayant démarré son projet il y a un mois et demi, il est venu au GES de Marrakech éventuellement pour trouver un financement, mais sans en faire un impératif (« cela permettrait d’accélérer l’avancée du projet, mais sans cela on ira juste plus progressivement ») ; l’essentiel étant d’y avoir des « échanges constructifs et de trouver des opportunités de partenariat ».
Lutter contre l’illettrisme en milieu rural
Ingénieure d’État, ayant travaillé notamment chez Méditel, Saïda Bouhmidi travaille désormais à établir des scénarii d’intégration des cursus scolaires sur le canal mobile pour atteindre les publics illettrés. Partant du triple constat que « le Maroc est parmi les pays les plus illétrés d’Afrique du Nord, parmi les plus avancés en termes d’infrastructures télécoms », et sachant que « les budgets importants alloués à l’éducation ont des résultats décevants », Saïda Bouhmidi plaide pour l’utilisation de la technologie mobile dans la lutte contre l’illettrisme. Selon elle, il faut « adapter le système éducatif aux Marocains, plutôt que l’inverse ». Et le mobile, qu’on pianote et effleure à n’importe quel moment, n’importe où, induirait donc un nouvelle manière de penser l’enseignement. Ce e-learning par mobile, souple, permettrait de scolariser à distance des publics isolés, « sur le modèle de ce qui est fait au Canada, en Inde, au Pakistan, ou au Bangladesh, où ils ont créé tout un écosystème autour du mobile », argumente-t-elle.
Venue au GES pour porter le projet auprès des opérateurs télécoms comme des autorités, elle espère que l’État pourra adapter son fonctionnement pour ouvrir des examens à des candidats libres qui suivraient le cursus à distance. « Les plateformes techniques existent déjà ! », assure-t-elle, « mais il faut encore que les sociétés de télécoms soient des sociétés citoyennes », explique l’ingénieure, qui souhaite les voir intégrer les régions les plus reculées dans leur zone de couverture 3G. « L’État pourrait les obliger en en faisant des »sites universels » que le cahier des charges des opérateurs obligerait à desservir ».
Promouvoir les dons caritatifs des particuliers
Faciliter les dons caritatifs à l’aide du web pourrait sembler a priori incongru. Pas pour Yassine Jaouad, qui œuvre à faciliter les donations aux plus démunis dans l’arrière-pays marrakchi à l’aide d’outils du web comme le livestream.
Avec Pixelhelper, projet initié par l’entrepreneur allemand Oliver Bienkowski, Yassine propose aux donateurs potentiels de par le monde la certitude que leur don sera effectivement employé à ce à quoi il doit servir. Après avoir identifié des villages défavorisés aux alentours de Marrakech, il propose aux internautes de choisir le montant de leur don et son affectation via l’application Facebook de Pixelhelper. Le projet, lancé en septembre, en pleine rentrée des classes, a surtout concerné l’achat de cartables. « Le donateur choisit par exemple de donner pour 10 € de fournitures scolaires, ainsi que le village du don en question », explique Yassine. « Puis dans les 24 heures on procède à l’achat en question, et on le délivre à la personne nécessiteuse en prenant un selfie avec elle, son don, et en écrivant un message de remerciement avec le nom du donateur, le tout en photo et en vidéo… ça permet d’humaniser la relation et de rassurer le donateur ».
Les deux premiers mois, plus de 6 000 € de dons ont ainsi été collectés, à raison de 5 dons par jour, de la part d’environ 400 donateurs, principalement d’Europe et des États-Unis. L’ONG, qui collecte au passage sa commission (« de l’ordre de 2,5 euros sur un don de 10 € »), espère prochainement proposer un jeu vidéo sur Facebook, dans lequel le joueur pourra acheter des éléments virtuels avec de l’argent bien réel, en soutenant ainsi les activités de l’ONG.
Donner de la visibilité aux artisans
« On arrive à un point critique où les savoir-faire commencent à se perdre », s’alarme Sami El Fakir. Pour cet ingénieur fraîchement rentré au Maroc après 10 ans passés en France, il était important d’entreprendre un projet avec du sens. Comme trouver un moyen de pérenniser le savoir-faire des artisans, et leur assurer des revenus nouveaux par la même occasion. « J’aurais pu trouver un boulot en bureau, faire mes 20 000 dirhams par mois, avec la voiture et tout, mais ça ne m’intéressait pas », explique-t-il. Le portail web Martizana.com doit permettre à des artisans de montrer leurs création, de les mettre en vente, mais aussi voire surtout de proposer des ateliers d’initiation. L’offre vise notamment les aspirants-apprentis, les agences de voyage et les étrangers intéressés par le savoir-faire marocain. Avec un objectif de 50 artisans répertoriés sur le site pour se lancer, Sami El Fakir, qui en a déjà convaincu 15, compte financer l’activité à partir d’un loyer annuel symbolique (de 300 à 500 dirhams). C’est de la visibilité, des soutiens institutionnels et financiers que l’entrepreneur est venu rechercher au GES.
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