« Nous sommes en train de défendre un droit naturel (…) Tous les peuples ont le droit de décider de leur avenir« , a déclaré le chef de l’exécutif catalan Artur Mas avant d’annoncer que le « processus de participation » serait maintenu. Cette décision prise au nom de la « liberté d’expression« , intervient au lendemain d’un arrêt du tribunal constitutionnel suspendant justement ce vote, à la demande de Madrid.
Dans les faits, selon les spécialistes consultés par l’AFP, il s’agira alors de « désobéissance civile« . « Ouvrir les écoles (publiques) pour le vote et tout acte de fonctionnaires qui collaborera en ce sens » peut tomber sous le coup de la désobéissance civile, un délit pénal entrainant potentiellement une interdiction d’exercer. C’est très complexe et délicat« , explique Eduardo Virgala, enseignant en droit constitutionnel à l’université du Pays basque. « Quel que soit le nom donné au vote: processus, fête publique ou sardane, il y a mise en place d’urnes et on pose une question sur un sujet qui n’est pas de la compétence » de la Catalogne, estime aussi l’universitaire Yolanda Gomez, également spécialiste en droit constitutionnel: « Il y a désobéissance à l’autorité de la part des personnes détenant des mandats publics« .
Le tribunal constitutionnel donne raison à Madrid
Artur Mas, leader du parti CiU (Convergencia i Unio, nationaliste conservateur) s’était engagé en décembre 2013 à organiser un référendum sur l’indépendance le 9 novembre. La Catalogne, représentant environ 20% du PIB de l’Espagne et où vivent 7,5 des 47 millions d’Espagnols, jouit d’une large autonomie, lui permettant de gérer sa police ou encore son système éducatif et sanitaire. A partir de 2006 elle était même régie par un « Statut » (Estatut) lui reconnaissant, entre autres, le titre de Nation.
Mais en 2010 ce statut a été amendé par le tribunal constitutionnel. Le gouvernement dirigé par le Parti populaire (conservateur) à partir de 2012 a en outre commencé à rogner sur certains domaines dont Madrid ne se mêlait plus, comme l’enseignement de l’espagnol dans ses écoles. Un contexte tendu, associé au mécontentement face à la crise et à la corruption galopante, a donné des ailes aux indépendantistes, qui, selon un sondage récent, seraient suivis par la moitié des Catalans. D’où l’importance pour eux du référendum consultatif sur l’avenir de la région devenu « 9-N », comme un « Jour-J ».
Face à cet élan Madrid n’a rien cédé, se bornant à une application stricte de la Constitution ne permettant pas de telles consultations car l’ensemble des Espagnols doit pouvoir se prononcer. Le gouvernement a donc saisi le tribunal constitutionnel qui a suspendu le référendum, le 29 septembre. M. Mas, poussé par ses alliés radicaux d’Esquerra Republicana de Catalunya (gauche indépendantiste), en tête dans les sondages et dont il a besoin pour rester au pouvoir, a alors décidé d’organiser un vote alternatif baptisé « processus participatif ».Objet de moqueries de Madrid, il s’est avéré au fil des jours très semblable au premier. Il s’agit des mêmes questions: « Voulez-vous que la Catalogne devienne un Etat « ? Et si oui, « Voulez-vous que cet Etat soit indépendant » ? »
Un conflit sans précédent depuis la fin de la dictature de Franco
Le vote, mis en place en grande partie par quelque 41 000 bénévoles, sans recensement initial ni commission électorale, est organisé avec l’aide et le financement de l’exécutif catalan et sera encadré par les Mossos d’Esquadra (la police catalane), autant d’éléments constitutifs d’une « désobéissance civile ».
Madrid a donc saisi une nouvelle fois la justice pour faire suspendre ce « processus », entraînant un conflit sans précédent entre pouvoir central et région depuis la fin de la dictature de Franco (1939-1975). Le président de la Catalogne, qui joue aussi son avenir, a pour sa part tout fait pour obtenir un maximum de participation, ouvrant le vote aux étrangers et aux jeunes de 16 ans mininum espérant ainsi que 5,4 des 7,5 millions de Catalans voteront.
Même s’il est juridiquement dans son droit, « le 10 novembre, le chef du gouvernement Mariano Rajoy aura encore un problème politique et de premier ordre », analyse Eduardo Virgala, qui comme d’autres spécialistes considérait mercredi que seule « une solution politique » passant sans doute par une réforme de la Constitution de 1978, amendée deux fois, était envisageable.
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