« Le henné, la peau, ce sont mes souvenirs, ma grand-mère, le milieu dans lequel j’ai grandi, les odeurs que je connais ». Ainsi s’exprimait Farid Belkahia sur son travail artistique. Cet artiste est considéré à l’instar de Mohamed Melihi, Mohamed Chabaâ et Mustapha Hamid comme l’un des pionniers de l’art contemporain au Maroc.
Si Belkahia parle de peau et de henné, c’est qu’il était l’un des premiers à rompre avec l’héritage pictural colonialiste (l’orientalisme) pour plonger dans les symboles berbères et les motifs qui représentent le Maroc. Natif de Marrakech, il voulait être cette mémoire vivante qui raconte « le cheminement de l’Homme marocain à travers la tradition ». Cette obsession de la mémoire l’a conduit vers la fin des années 1960 à créer des ateliers pour l’enseignement de l’histoire de l’artisanat, depuis le travail du tapis et du bijou à la céramique et à la poterie.
Dans cet esprit, il réalise en 1969 sa première expérience de l’art dans la rue en organisant une grande exposition sur la place Jamâa El Fna afin de transmettre au public présent l’idée que « la modernité n’est perceptible qu’à partir des valeurs anciennes ». Pour cette exposition, il a utilisé comme matériaux des feuilles de cuivre rouges ou jaunes, plissées, martelées puis fixées sur bois afin de rompre avec sa « période expressionniste » des années 1950 marquée par ses portraits (La veuve et ses enfants, Muhammad V dans la lune) réalisés à la peinture à l’huile.
Belkahia traversé par la peau
Vers la fin des années 1970, l’art de Belkahia est marqué par une autre rupture. Après avoir travaillé sur le cuivre, il s’attaque désormais à la peau. Un matériau qui l’accompagnera jusqu’à la fin de sa vie. « Il n’existe pas une seule peau qui soit semblable à une autre. Leur composition biologique, comme chez l’Homme, est unique. Cela, même un papier très sophistiqué ne peut pas vous l’offrir », explique Farid Belkahia dans la biographie réalisée par sa femme, Rajae Benchemsi. Cette même peau qui a permis à l’artiste de concevoir des œuvres devenues célèbres comme Peau de bélier, Célébration du sacrifice d’Abraham, Exultation de l’inconnu, ou encore Vertige du hasard et Dérive des continents.
Cet homme aux œuvres multiples et hétéroclites (sculptures, tableaux, installations) a marqué l’histoire de l’art au Maroc. Malgré son décès, son art est encore vivant et alimentera, à coup sûr, notre imaginaire et quotidien car comme dirait André Malraux, « l’art est une résistance à la mort ».
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