Reportage: Tara Expédition traque le plastique en Méditerranée

Depuis 10 ans, le projet Tara Expédition étudie l’impact des changements climatiques sur nos océans, avec la goélette d'exploration Tara. Une escale est prévue à Tanger en novembre.

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Photo - Tarek Bouraque

Ni le vent ni la tempête n’ont empêché Tara, le célèbre voilier, d’arriver à l’heure à la Marina de Bizerte le lundi 1er septembre, et cela grâce aux efforts du capitaine Martin Hertau et son équipage. Au programme de cette étape tunisienne, visite du bateau, atelier sur les enjeux environnementaux et conférences scientifiques sur des problématiques importantes pour la rive sud de la Méditerranée.

Une mission multidisciplinaire inédite en Méditerranée

C’est en mai dernier que Tara a quitté le port d’Antibes en France pour sa dixième expédition. Après le Pacifique en 2011 et l’Arctique en 2013, les équipes de marins et de scientifiques de Tara, voilier long de 36 mètres et large de 10 mètres, ont embarqué pour une mission de sept mois sur les eaux de la Méditerranée. Cette étude multidisciplinaire inédite, menée notamment par l’Université du Michigan aux États-Unis et le laboratoire de Villefranche-sur-Mer (CNRS) en France, a pour objectif de dresser un état des lieux et de cartographier la pollution plastique qui menace non seulement l’écosystème marin mais aussi notre santé, comme le précise Martin Hertau, le capitaine de Tara :

L’activité principale est d’étudier l’impact des microplastiques sur le plancton. On fait essentiellement des filets de surfaces, ainsi que des mesures optiques, mais l’arsenal de la mission Méditerranée c’est surtout le filet manta (baptisé du nom de la raie manta, ndrl) qui nous sert à récolter des microplastiques en surface.

Sur les rives de la Méditerranée, on compte aujourd’hui près de 450 millions d’habitants, répartis dans 22 pays. Une pression démographique qui se traduit par le déversement dans cette petite mer (moins de 1 % de la surface océanique) d’un très grand nombre de déchets plastiques. Chaque année, sur la planète, chacun d’entre nous rejette en moyenne 35 kg de plastique. Une matière issue de la pétrochimie, souvent toxique, qui, si elle se divise en petits morceaux, ne se dégrade pas.

Si en sciences, la collecte des données n’est que la partie immergée de l’iceberg qui précède une longue période d’analyse et de recherches, les premières constatations du capitaine Martin Hertau sont alarmantes :

  Il n’y a pas un seul échantillon fait depuis Antibes sans plastique, donc si on rapporte ça à la surface de la Méditerranée, c’est énorme.

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L’« esprit Tara » : un savant mélange entre science et pédagogie

Tout au long de cette étape, les Bizertins se sont rendus en nombre sur Tara pour retrouver la goélette qui avait déjà fait escale sur ce même port il y a cinq ans à l’occasion de l’expédition Tara Océans. Il faut dire qu’à Bizerte, mais plus généralement en Tunisie, la question de la pollution par le plastique est un enjeu de taille. L’occasion aussi pour Tara expédition de mettre en œuvre le volet pédagogique de sa mission afin de sensibiliser les populations aux enjeux environnementaux et mettre en avant les efforts d’associations locales et régionales.

Au cours de ce périple de 16 000 km, des nombreuses actions ont été ainsi prévues notamment avec le réseau des 177 aires marines protégées, la Surfrider fondation ainsi que la Fondation Mohammed VI pour l’environnement.

Pour Mathieu Oriot, responsable du Pont, c’est un l’alliance de la science et de la pédagogie qui fait de cette expédition une aventure à part. Dans cette optique, Tara met plus particulièrement l’accent sur les plus jeunes. « Ce sont eux qui auront l’avenir de la planète entre les mains. Les adultes ont déjà leurs habitudes, ils acceptent intellectuellement certaines choses mais ils sont pas forcément prêt à passer à l’action tandis que les enfants sont eux prêts », souligne-t-il.

Dans un monde en pleine mutation et face à des nombreuses incertitudes qui pèsent sur la planète, Tara Expédition tente d’avancer des solutions concrètes comme l’assainissement des eaux, la gestion des déchets, l’innovation pour un plastique biodégradable ou encore la promotion du tourisme durable ainsi que la création d’Aires Marines Protégés.

Une escale prévue à Tanger en novembre

Après Bizerte, la goélette poursuivra son parcours vers La Galite, aire marine protégée depuis 1995, pour une brève escale, avant d’accoster à Alger du 9 au 14 septembre. Fin novembre, ce sont les Tangerois qui auront à leur tour la chance d’accueillir le bateau scientifique ainsi que son équipage, lors de son étape marocaine prévue du 23 au 28 novembre.

Les premiers résultats de cette mise à nu de la vie des plastiques en Méditerranée sont attendus pour 2015. L’objectif de la mission Tara est clairement affiché : convaincre politiques, industriels mais aussi le grand public d’évoluer vers des produits biodégradables pour assainir la Méditerranée. Un objectif qui fait la particularité de la philosophie de Tara : « connaître la mer pour demain, savoir la gérer durablement ».

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