Matis, un projet mort-né ?

La nouvelle agence annoncée par le ministère du Commerce et de l’Industrie n’est plus à l’ordre du jour. Moulay Hafid Elalamy affirme qu’un rapprochement entre l’AMDI et Maroc Export est à l’étude à travers un groupement d’intérêt public.

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Moulay Hafid Elalamy, ministre du Commerce et de l'Industrie. Photo : Tniouni

Depuis quelques semaines, le projet de fusion entre l’Agence marocaine de développement des investissements (AMDI) et Maroc Export a été remis sur la table. Il faut dire que l’idée de la création d’une super-agence pour la promotion du Maroc n’est pas nouvelle. Elle remonte aux années 1990, sous le gouvernement de Abdellatif Filali. Elle a souvent changé de visage et parfois même de consistance, mais n’a jamais pu être concrétisée. « Elle a ressurgi en 2006 sous le nom d’Onix (Office national des importations et exportations, ndlr) », confie une source proche du dossier. Deux ans plus tard, le gouvernement El Fassi décrète qu’il est difficile de fusionner les différentes institutions et décide alors de renforcer les organismes existants. Le projet est encore une fois abandonné.

C’est en juin 2014 que le ministère délégué chargé du Commerce extérieur auprès du ministre du Commerce remet discrètement l’idée au goût du jour, dans le cadre du plan d’urgence. Mohamed Abbou pointe du doigt le système de promotion des exportations et de soutien aux entreprises exportatrices. Il décide donc de concentrer les efforts sur la refonte du système marocain de promotion grâce, entre autres, à la fusion du réseau des représentations de Maroc Export et de l’Agence marocaine de développement des investissements (AMDI). Il déclare alors que la multiplication des intervenants dans la promotion des exportations crée une grande confusion auprès des entreprises. Mais il n’est pas seulement question des exportations. « Quand on promeut le Maroc d’un point de vue investissements ou exportations, c’est l’image que l’on vend aux étrangers. Mais chaque agence y va de ses chiffres et sa méthode, créant ainsi confusion et embrouille chez les clients », explique notre source. Le projet porté par Mohamed Abbou est pour l’heure encore flou et ne parle que de la fusion des réseaux, et non des institutions.

La touche Elalamy

En utilisant le terme « fusion », un rapprochement s’est automatiquement fait entre l’annonce de Abbou et celle de son ministre de tutelle, Moulay Hafid Elalamy, qui avait annoncé la création d’une agence chargée du développement des Investissements directs étrangers (IDE) et de la promotion des exportations, baptisée Moroccan Agency for Trade, Investment and Services (Matis). Dans la vision de Moulay Hafid Elalamy, la nouvelle entité aura pour mission de centraliser les opérations de développement de l’attractivité du Maroc en tant que terre d’investissement et de conduire la promotion de son offre exportable. C’est ainsi qu’il a été conclu que l’AMDI et Maroc Export allaient tout bonnement disparaître pour laisser place à la future super-agence marocaine de promotion. Or, il n’en sera rien. Contacté pour lever le mystère qui entoure ce projet, Moulay Hafid Elalamy assure qu’« une fusion entre l’AMDI et Maroc Export n’est pas à l’ordre du jour». Autrement dit, le projet Matis est remis dans les tiroirs de l’administration. Le ministre du Commerce et de l’Industrie reconnaît malgré tout qu’un autre projet est à l’étude. « Nous travaillons sur un rapprochement entre les deux institutions sous la forme d’un groupement d’intérêt public ». Nous n’en apprendrons pas plus. Pour rappel, un GIP est doté de personnalité morale et d’autonomie financière et peut être constitué entre un ou plusieurs établissements publics et une ou plusieurs personnes morales de droit public ou privé. Le GIP a pour objet d’exercer, pour le compte de ses membres, des activités déterminées. A la lumière de ce qui précède, on peut conclure que le projet actuellement à l’étude au sein du ministère sera en relation avec l’idée avancée par Abbou dans son plan d’urgence.

Mutualiser les efforts

Le Groupement d’intérêt public qui consacrera le rapprochement entre l’AMDI et Maroc Export permettrait de synchroniser les actions des deux institutions et de mutualiser leurs moyens et efforts de promotion. Il pourrait également gérer le réseau des deux institutions. A travers ce projet, la tutelle ne risque-t-elle pas de créer un nouvel étage d’attributions, qui ne contribuera qu’à agrandir le mille-feuille hiérarchique ? « Il n’y a pas de modèle prédéterminé pour la gestion de la promotion d’un pays. Chacun opte pour le système qui lui convient le mieux», explique Abdelmalek Alaoui, président de l’Association marocaine de l’intelligence économique (AMIE). Et d’ajouter : « J’ai la conviction que le meilleur modèle pour le Maroc au vu de ses moyens limités et son déficit de leadership est de centraliser sa promotion. Cela permettra également d’identifier les responsabilités ». Un vœu qui ne sera pas réalisé de sitôt, au regard du chemin emprunté par la tutelle. Toutefois, les professionnels ne perdent pas espoir que la fusion tant attendue se fasse un jour. « D’un point de vue opérationnel, il est impossible que l’on fusionne du jour au lendemain les deux entités. Il y a un processus qui devra être respecté, et dont la première phase peut justement être ce rapprochement », avance un expert. Pour ce dernier, le rapprochement peut servir de phase d’amorçage au projet de fusion. La centralisation du volet opérationnel des deux entités, tout en préservant leurs identités juridiques propres, permettrait de tester la cohérence de la démarche, et faire adhérer les équipes au projet dans un climat serein. La deuxième étape serait donc de les fusionner. Une hypothèse qui reste à confirmer…

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