«Je ne veux pas qu’il y ait des conséquences possibles en France. Le conflit israélo-palestinien ne peut pas s’importer », a mis en garde François Hollande lors de la traditionnelle interview du 14 juillet. Mais comme souvent avec le « président normal », il y a un décalage entre le ton martial adopté et la réalité sur le terrain. Samedi 19 juillet, dans le quartier de Barbès, dans le nord de Paris, une manifestation de soutien à la Palestine, interdite par la préfecture de police de Paris, a rapidement tourné à l’affrontement avec les forces de police venues en nombre (près de 1500). Le lendemain, dimanche 20 juillet, une autre manifestation pro-palestinienne interdite à Sarcelles a dégénéré. Une semaine plus tôt, des violences aux abords de la synagogue de la rue de la Roquette, à Paris, avaient donné l’alerte générale.
Pour les partisans de l’interdiction des manifestations, ces violences justifient a posteriori la mesure prise par l’administration. C’est la position du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui fait état d’informations et de renseignements précis sur la nature violente d’une minorité de manifestants. Le même week-end, deux autres manifestations interdites n’ont pas eu lieu et, surtout, une soixantaine de manifestations se sont déroulées dans tout le pays, sans incident notable. Reste que pour de nombreux militants et intellectuels pro-palestiniens, pourtant peu suspects d’antisémitisme, ces interdictions sont fautives. Sur France 24, le journaliste du Monde diplomatique Alain Gresh n’hésite pas à expliquer que « si [la manifestation] a dégénéré, c’est parce qu’elle a été interdite. »
Tension communautaire
La guerre de propagande que mènent les deux camps, les faiblesses du traitement médiatique, l’importance prise par les réseaux sociaux… tout contribue à exacerber les réactions des communautés arabe et juive sur fond de tensions antisémites et islamophobes. La faute aussi à la politique jugée déséquilibrée du gouvernement français. Le premier communiqué de l’Elysée, daté du 9 juillet, était clair: « Il appartient au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces. » Depuis le départ de Jacques Chirac – l’homme du coup de gueule de Jérusalem-Est –, la France penche nettement vers Israël, du moins dans le discours. Le quinquennat de Nicolas Sarkozy a accéléré la perte de vitesse des arabistes du Quai d’Orsay. Pourtant, la France est la puissance occidentale la plus engagée aux côtés des Palestiniens : elle a voté pour que la Palestine devienne un Etat observateur à l’ONU. C’est aussi le pays d’Europe qui connaît la plus forte coexistence de communautés juive (600 000) et musulmane (environ 6 millions).
Aujourd’hui, pour la communauté juive, le retour du vieil antisémitisme plane. Une profonde inquiétude que ne rassurent ni les provocations de l’humoriste « antisioniste » Dieudonné, ni la folie meurtrière de Mohamed Merah, à Toulouse, en 2012. Parmi une population musulmane déclassée, le rejet d’Israël et des juifs est devenu une sorte de miroir identitaire. « C’est ainsi que certains Français d’origine maghrébine et africaine définissent leur identité dans la société française. Ils voient les Palestiniens comme les victimes d’une occupation illégitime, comme celle que leurs propres ancêtres ont vécue », analyse la politologue Myriam Benraâd du think tank londonien Conseil européen des relations internationales (ECFR).
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