D’une évidente virtuosité, The Two Faces of January, premier long-métrage réalisé par Hossein Amini, auteur d’excellents scénarios (notamment Drive, de Nicolas Winding Refn), dispense un charme où la désuétude le dispute au suspense. Ambiance glamour du film noir classique, indolence du sud habilement reconstituée dans la Grèce des années 1960 et triangle amoureux en proie à la rivalité dictent les lignes d’un jeu de massacre dont personne ne sortira indemne. Un couple de touristes américains raffinés, Chester MacFarland (Viggo Mortensen, implacable) et sa jeune épouse Colette (Kirsten Dunst, dénuée de charisme) débarque à Athènes. Ils rencontrent Rydal (Oscar Isaac, charismatique), jeune guide américain pétri de culture et parlant grec, arnaqueur de touristes sans scrupule. Séduit par la beauté de Colette, fasciné par la richesse de Chester, Rydal accepte leur invitation à dîner : la réussite affichée de ce couple dissimule une profonde part d’ombre…

L’ombre d’Hitchcock

A partir de là, le film devient hitchcokien : trahison tapie dans l’ombre, puissants faux-semblants, surgissement improbable… La rivalité entre les deux hommes s’avère complexe. Chester craint de perdre sa femme sous le charme de Rydal, et le jeune homme est sous l’emprise de Chester, qui lui rappelle son père décédé. De plus, après avoir commis le meurtre d’un détective privé, Chester, traqué par la police, a besoin de Rydal pour quitter le pays. Sauf qu’ici, l’étrange prend la forme d’un thriller psychologique faussement anodin sur les rapports humains. Rien ni personne n’est épargné, et tout est sujet au conflit. Le cinéaste fait monter la pression pour filmer le théâtre cruel des personnages mis à nu, en héros d’une tragédie grecque. Les deux comédiens, posés en rivaux, jouent avec les stéréotypes cinématographiques pour mieux les dynamiter, dominant la mise en scène. On regrette le jeu de Kirsten Dunst, à contre-emploi, bien loin d’une Grace Kelly, magnétique chez Hitchcock.

Fouzia Marouf