Si l’industrie lourde affiche actuellement grise mine, Sonasid réussit la prouesse d’être rentable en ces temps de crise. On est bien loin d’une époque difficile où les indicateurs d’activité du sidérurgiste étaient en berne. La société a même pu rembourser la totalité de ses dettes, qui s’élevaient à 722 millions de dirhams à fin 2010. « Notre vision est claire. Nous sommes en période de conjoncture difficile pour la sidérurgie certes, mais nous savons où nous allons et saurons saisir les opportunités », explique Ayoub Azami, directeur général de Sonasid. Adossé au numéro 1 mondial de l’acier, Arcelor Mittal, le sidérurgiste se targue d’être le premier producteur marocain de rond à béton et fil machine, deux produits indispensables pour les activités du BTP et de l’industrie. Pour Azami, « la compétitivité sera la seule condition de pérennité ». Mais par rapport à quelle concurrence ? C’est toute la question. Pour les dirigeants de Sonasid, leur entreprise est suffisamment solide pour affronter la concurrence nationale. Mais en ce qui concerne les concurrents internationaux, les choses sont un peu plus compliquées. Ces derniers vendent leurs produits au Maroc à des prix en dessous de leur propre seuil de rentabilité si on y inclut tous les coûts.
Réduire les coûts à tout prix
Face à cette concurrence asymétrique, le top management de la société affirme avoir identifié les marges de progrès afin d’être encore plus performant sur le plan des coûts. « Il faudrait juste que nous n’ayons pas de surcoût significatif. Le fuel dont nous sommes gros consommateurs a augmenté de près de 60% en l’espace de deux ans, et des hausses du kWh s’annoncent aussi à travers le contrat-programme de l’ONEE passé avec le gouvernement », regrette Azami. Selon lui, cette politique de décompensation doit être assumée par le pays, mais la question est de savoir comment traiter son impact considérable sur certains secteurs dont les marges sont déjà très réduites en cette période de crise. Pour ces secteurs, les mesures prises par le gouvernement pourraient représenter, avec l’effet d’accumulation (fuel, électricité, SMIG…), une charge suffisamment lourde pour réduire à néant le peu de marge qu’il reste. L’impact de cette accumulation sur la compétitivité et donc sur l’emploi sera important. « Personnellement, je me réjouis des initiatives prises quand il est question de stratégie d’accélération industrielle. Modestement, la question que je me pose est de savoir si nous pouvons envisager de construire une économie à la hauteur de nos ambitions, ou du moins une économie de transformation industrielle, en éludant la discussion sur ses facteurs de compétitivité », confie le patron.
Fin de la menace européenne ?
Le sidérurgiste revient pourtant de loin. En 2012, Sonasid avait accusé le coup en affichant des indicateurs d’activité en forte régression. La société avait alors subi les conséquences de la crise économique mondiale ainsi que son impact sur l’industrie des pays d’Europe du sud, qui ont donné lieu à une surcapacité de production au niveau régional. La croissance du marché de l’acier affichait à l’époque, pour cette région, une nette décélération (-13% par an en moyenne en Espagne). Une situation qui a conduit à une forte hausse des importations en provenance d’Europe du sud et à une guerre des prix au niveau national. Ce qui a impacté négativement les ventes de l’ensemble des industriels marocains. Étant une industrie qui reste relativement jeune et encore fragile, la sidérurgie marocaine ne pouvait faire face à l’offensive des industriels européens qui écoulent leurs excédents au Maroc et qui se traduisent par une baisse de 3 à 4% des marges. C’est suite à cette concurrence asymétrique que l’Association des sidérurgistes du Maroc (ASM) a déposé, en août 2012, une demande de clause de sauvegarde auprès du ministère de l’Industrie contre les importations de fil machine et rond à béton. Une requête à laquelle l’Association a joint un plan d’action de développement. Cette demande avait abouti en 2013 à l’instauration de mesures de sauvegarde.
Pour ce qui est de l’impact de l’instauration de cette procédure sur l’activité de la société, Ayoub Azami se montre prudent. « Il faut garder à l’esprit que ces mesures restent provisoires, ramenées à 2 ans et ne résolvent pas les problèmes de fond qui perturbent le marché mondial de la sidérurgie », précise-t-il. Car le secteur demeure en crise avec des surcapacités encore très élevées dans certaines régions du monde, ce qui maintient les prix à des niveaux bas, tandis que ceux des matières premières ne baissent pas dans les mêmes proportions en raison de la forte demande chinoise. « Il s’agit d’une situation qui ne devrait pas se dénouer sur le court terme, donc la priorité des sidérurgistes reste axée sur la compétitivité, orientation que nous avons prise à et qui nous a permis d’imprimer davantage la marque Sonasid sur le marché », justifie Ayoub Azami.
Pas de plan de restructuration
Alors que certains opérateurs du secteur national mènent un plan de restructuration, le sidérurgiste dément avoir recours à une telle stratégie. « Il n’est pas question de restructuration mais plus de rationalisation de certaines dépenses. Notre stratégie repose plus sur notre positionnement marketing, notre maîtrise des sources d’approvisionnement en matières premières et la maîtrise des opérations industrielles », assure Azami.
La société agit actuellement sur son processus de production en optimisant les prix d’achat de la ferraille, un élément qui pèse fortement sur les coûts de production. « Nous avons également amélioré nos performances industrielles et fortement progressé dans la distribution avec une augmentation de notre part de marché sur le rond à béton », affirme le DG.
Si le rythme des importations de rond à béton et de fil machine devrait s’affaisser au titre de l’année en cours, le secteur international de l’acier restera, pour sa part, très concurrentiel dans un marché local de la construction qui ne connaîtra pas une grande évolution. En dépit de cette situation difficile, le sidérurgiste demeure confiant. « Sonasid s’est fixé un cap depuis 2011, une orientation stratégique qu’elle poursuit et adapte en fonction des aléas conjoncturels pour consolider son leadership national et étendre son réseau de couverture », conclut Azami.
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