Le 23 juin, le bureau de la deuxième chambre a adopté une décision enjoignant aux conseillers de confier les cadeaux qu’ils reçoivent, en leur qualité d’élus, au parlement. Cette décision ne concerne que les cadeaux dont la valeur dépasse 15% des indemnités mensuelles de chaque élu, soit 4800 DH. « Cette décision est prise depuis quelques années. Nous attendions simplement son officialisation », nous explique un membre de la deuxième chambre. « Un musée est en place depuis 2010 : il contient actuellement près d’une centaine de pièces provenant de plusieurs pays », affirme notre interlocuteur. L’un des derniers à avoir remis un cadeau à ce musée est d’ailleurs Mohamed Cheikh Biadillah : le président de la Chambre des conseillers y a déposé un tableau qui lui a été offert par une délégation de députées gabonaises.
Des Rolex et du symbolique
« Les cadeaux que j’ai personnellement reçus lors des dernières années sont symboliques : un pin’s au Sénat français et un plat en poterie en Australie », raconte Mohamed Daidaâ, élu de la deuxième chambre. « Généralement, ce sont les présidents des deux chambres, voire les chefs de délégations, qui reçoivent de coûteux cadeaux », explique un autre conseiller. Les plus généreux restent à ce jour les pays du Golfe. En 2003 et en 2009, les présidents de la première chambre en exercice avaient reçu deux épées en or, offertes par le président du parlement émirati. Mais c’est une époque révolue, semble-t-il. « Aujourd’hui, la tendance générale est d’offrir des livres consacrés aux pays que l’on visite ou de simples souvenirs, des produits d’artisanat ou du terroir », affirme un membre de la première chambre. En matière de produits du terroir, l’histoire retiendra que Abdelilah Benkirane a reçu, en Russie, un pack de bouteilles de vodka identique à celui qu’on offre aux chefs d’État étrangers. La précieuse liqueur aurait fini dans l’évier d’une chambre d’hôtel moscovite. Du côté marocain, l’artisanat arrive en tête des cadeaux offerts aux délégations étrangères. « On offre des tapis, des boîtes en bois et de l’argenterie », détaille un député. Quant aux femmes invitées, notre parlement leur remet parfois des caftans.
Une question d’éthique
Au-delà de la valeur des cadeaux reçus par les élus, certains situent la question au niveau éthique. « On les reçoit d’abord en notre qualité d’élu, et il est plus correct de les confier à l’institution dont on fait partie », affirme un cadre de la deuxième chambre du parlement. Mais ce n’est pas la règle. Ni au Maroc, ni ailleurs. En France, les membres de l’Assemblée nationale sont simplement tenus à un système déclaratif. Ils doivent déclarer tout cadeau dont la valeur dépasse 150 euros. En Belgique, rien n’oblige les élus à déclarer quoi que ce soit. Toujours est-il que certains parlements, anglo-saxons notamment, sont plus regardants sur la question. Non seulement chaque élu doit déclarer les cadeaux qu’il reçoit, mais aussi tous les voyages ou séjours auxquels il a été convié, que ce soit par des institutions ou des privés. « Dans tous les pays, y compris le Maroc, il n’y a pas de sanctions en cas de non-restitution des cadeaux. Chaque élu agit selon sa conscience », affirme un député. La première chambre est aussi en passe d’instaurer un système identique. « Le bureau de la chambre y travaille, et la décision ne saurait tarder », affirme un responsable. Pour rappel, nos députés et conseillers avaient fait des pieds et des mains pour se soustraire à l’impôt de solidarité. Il ne faut pas s’attendre à les voir se bousculer pour restituer les cadeaux reçus en tant qu’élus de la nation.
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