Le profil des musulmans américains espionnés par la NSA

La surveillance électronique de la NSA fait à nouveau polémique. Des Américains musulmans ont fait l'objet d'un espionnage que les autorités peinent à justifier.

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Asim Ghafoor surveillé par la NSA malgré un profil d'avocat proche des cercles du pouvoir
Asim Ghafoor, d'origine indienne musulmane, avocat à Washington, proche des cercles du pouvoir... et espionné de près par la NSA. Crédit : Asim Ghafoor

A partir des fuites de Edward Snowden, ancien fonctionnaire de la NSA (Agence nationale de la sécurité), le journal américain The Intercept a mis à jour les profils de cinq Américains musulmans, qui ont attiré l’attention du FBI et de la NSA.

Si, parmi les milliers de personnes dont la NSA a cherché à suivre les communications, le journal américain publie une liste de seulement 5 noms, c’est parce qu’elle a le mérite de réunir des profils de « notables » : universitaires, associatifs, avocats, cadres politiques… et qu’aucun ne peut véritablement être suspecté de lien avec le terrorisme :

Faisal Gill, américano-pakistanais, membre du parti Républicain. Il a fait partie de la Marine, a fondé un cabinet d’avocats et a travaillé au département de la Sécurité intérieure sous la présidence de George W. Bush. Il lui semble évident qu’il a été espionné en raison de ses origines : « Je n’ai jamais été cité, pas même comme avocat, dans une affaire liée au terrorisme.»

Asim Ghafoor, avocat d’origine indienne, né aux États-Unis. Il a défendu en 2003 une fondation saoudienne dans un litige l’opposant à l’État américain, « mais comme une quarantaine d’autres grands avocats de la place », justifie-t-il, « dont d’anciens membres de l’administration Bush […], dont les noms n’ont sans doute jamais été recherchés ».

Hooshang Amirahmadi, universitaire irano-américain. Il enseigne les relations internationales à l’université Rutgers. Il est le président fondateur du Conseil américano-iranien, institut de recherche sur les relations entre les deux pays. A ce titre, il a organisé de nombreuses conférences, auxquelles ont participé des invités tels que le vice-président Joe Biden, les secrétaires d’État Madeleine Albright ou John Kerry.

Agha Saeed, professeur de sciences politiques à l’université de Californie ; pakistanais, il vit aux États-Unis depuis 1974 et a été naturalisé en 1982. Il est connu pour son engagement politique en faveur des droits des musulmans et pour la Palestine.Après les attentats du 11-Septembre, il avait été invité par le président G. W Bush et à la Maison Blanche, et avait incarné le visage tempéré et intégré des musulmans américains.

Nihad Awad, Palestinien né en Jordanie, directeur exécutif du Conseil des relations américano-islamiques. Il s’agit de la plus importante association de défense des droits civils des musulmans. Il a travaillé auprès du vice-président Al Gore et a été l’interlocuteur des présidents Clinton et W. Bush comme des secrétaires d’État Madeleine Albright et Colin Powell au sujet de la communauté musulmane américaine.

Les noms de ces cinq personnes apparaissent dans un fichier secret qui recense les demandes de surveillance étendue effectuées de 2002 à 2008 par la NSA auprès du Tribunal spécial, dont l’autorisation est obligatoire pour surveiller ainsi les communications de tout citoyen américain. Le tout sur une indication initiale du FBI.

Polémique outre-Atlantique

L’Association des avocats musulmans américains s’en rapidement indignée de ces pratiques dans un communiqué :

La pire crainte des musulmans américains est devenue réalité : le gouvernement américain a ciblé des Américains, y compris des citoyens qui ont servi leur pays dans les forces armées ou au gouvernement, uniquement en raison de leur religion ou de leurs origines.

Quant au fondateur de The Incercept et auteur de l’article, Glenn Greenwald, il a justifié sa démarche par le besoin de rendre concret le débat sur la surveillance de la NSA, que les militants des libertés civiles accusent d’être liberticides :

C’est la première fois que nous mettons un visage sur les victimes de la surveillance la plus intrusive. Je pense qu’il est important que chacun puisse se faire sa propre idée — est-ce que ces personnes sont des terroristes ou bien ont-elle été visées en raison de leurs croyances et activités politiques ?

Face à ces accusations, l’administration a publié un communiqué qui soutient que la surveillance des communications des citoyens américains obéit à « une raison légitime de renseignement à l’étranger et de contre-renseignement ». Le ministère de la Justice et le Bureau du directeur national du renseignement ont dû vigoureusement nier pratiquer du fichage politique :

C’est complètement faux de dire que les agences américaines de renseignement font de l’espionnage électronique de figures politiques, religieuses ou militantes uniquement parce qu’elles sont en désaccord avec les politiques publiques ou parce qu’elles critiquent le gouvernement ou exercent leurs droits constitutionnels, écrivent le ministère de la Justice et le Bureau du directeur national du renseignement (ODNI).

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