Lorsqu’il est sur scène, les artisans du patrimoine gnaoui voient en Hassan Boussou la réincarnation de son père, décédé en 2007. A 42 ans, le charismatique maâlem, fils de Hmida Boussou – l’un des plus grands maîtres gnaouis qui ont marqué la deuxième moitié du XXe siècle –, porte son hérédité comme une médaille. « J’ai tout appris de lui », se contente-t-il de souffler avec nostalgie. Plongé dans les souvenirs d’une époque révolue, on imagine l’enfant qu’il fut, initié aux chant, guembri et tambour par le patriarche. Son baptême gnaoui, il le célèbre à l’âge de 20 ans, en 1992, lorsqu’il intègre Boussou Ganga, troupe menée par son père jusqu’à son dernier souffle. Aujourd’hui, c’est Hassan qui dirige cet ultime héritage, qu’il décrit comme une « formation traditionnelle, qui respecte le style gnaoui marrakchi pur ». Boussou fils et sa troupe ne ratent jamais un pèlerinage à Moulay Ibrahim, Meknès ou Marrakech pour jouer lors des cérémonies rituelles, « moments importants dans une vie spirituelle et religieuse », confie-t-il.
Un travail d’archéologue
Conscient que les traditions musicales et religieuses gnaouies risquent de s’effacer peu à peu, Hassan Boussou n’hésite pas à se faire archéologue, à l’heure où certains plaident pour l’inscription de cette culture musicale comme patrimoine mondial immatériel. « Je fouille dans un réservoir très classique, fais des recherches sur le bambara arabisé, que je travaille pour chanter, sur les rythmes mandingues, et pioche dans les différents styles de gnaoua… », détaille le maâlem. Fruit de ce travail d’orfèvre, Dhikra, un album au nom évocateur, sorti en 2009 et auquel Boussou songe à donner une suite. « Il s’agit d’entretenir une mémoire globale de cette culture et de toutes ses composantes ». Il poursuit, l’air amusé : « Je suis aussi formé à l’abattage rituel gnaoui, très particulier. Gnaoui, c’est un tout, pas que de la musique ».
Un maâlem boucher
L’héritage paternel ne l’a pas confiné aux traditions pour autant. Hmida Boussou, Marrakchi, s’était installé à Casablanca, « grande ville dont le rythme et la diversité lui ont imposé un style autre que celui de la traditionnelle Marrakech », explique le musicologue Ahmed Aydoun. Dans la rupture, Boussou fils est donc fidèle à son père. A l’orée des années 2000, il s’installe en Europe, où il profite de ses « connaissances en abattage pour faire un peu le boucher », raconte-t-il. Il vit aujourd’hui à Lille, dans le nord de la France. « En ce sens, Hassan est un pionnier : peu de Gnaouis partent à l’étranger et exportent ainsi leur musique », commente son ami Karim Ziad, musicien et co-directeur artistique du Festival Gnaoua. C’est que Hassan Boussou est un habitué de l’événement souiri. Cette année, en plus d’assurer le concert d’ouverture aux côtés du violoniste français Didier Lockwood, le maâlem est monté sur la scène du vieux Borj pour une fusion avec l’artiste sénégalais Meta Dia et le joueur de ribab Foulane Bouhssine. Pour le fils de Hmida Boussou, « ce festival est un bon compromis. Un moment important qui permet de démocratiser notre musique et notre culture, de la faire connaître au plus grand nombre, sans trop la folkloriser ». Nomade, Boussou a promené son guembri aux quatre coins du monde. Multipliant les concerts, il fait figure d’ambassadeur de la musique gnaouie, mais pas seulement. Outre le Boussou Ganga, le maâlem joue la carte de la fusion avec le groupe Séwaryé, créé en France en 2003, et fait des incursions dans des styles contemporains avec le quator N’Jawazz. « J’ai tendance à rester dans les musiques africaines, noires, mais je m’ouvre quand même : jazz, blues, reggae et afrobeat… » Certes, la fusion lui demande un effort : « On ne peut plus rester un mystique, il faut devenir un artiste pour fusionner ». Mais selon Karim Ziad, il y excelle : « Il n’a pas besoin de beaucoup répéter pour fusionner. Tout simplement parce que c’est une personne généreuse et à l’écoute, dans la vie et dans la musique ».
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