Lalla Salma : la Cendrillon du Makhzen

Douze ans avant l’émoi suscité par Oum Kelthoum Boufarès, une autre jeune femme allait devenir la dame de cœur des Marocains. Salma Bennani, devenue Lalla Salma, épouse de Mohammed VI, tient désormais un rôle à part entière dans le système monarchique.

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Lalla Salma. Crédit : AFP

En assumant publiquement son satut de femme de roi, de mère de l’héritier du trône et de figure incontournable de la lutte contre le cancer, Lalla Salma livre une image moderne de la royauté. Ses apparitions publiques, relayées par les organes de presse officiels, sont étudiées au millimètre près. « Dès le début, le Palais savait quelle image il voulait donner de Lalla Salma : celle d’une princesse issue du peuple et proche des gens. C’était un travail de longue haleine et un véritable défi à relever, d’autant qu’il n’y avait jamais eu de première dame dans l’histoire du Maroc. Petit à petit, au fil des années, les contours d’une nouvelle figure publique ont été dessinés pour s’imposer aux Marocains », explique une spécialiste en communication politique. Aujourd’hui, le pari pris pour vendre l’image d’une royauté qui accorde leur place aux femmes, princesses en tête, est gagné. Lalla Salma ne vit pas dans l’ombre de Mohammed VI, contrairement à la femme et « mère des princes » de feu Hassan II. Elle a son propre emploi du temps, sa propre fondation et son propre style. Elle se déplace régulièrement à l’étranger, pour représenter le royaume lors d’importants colloques ou lors de mariages royaux. Elle renvoie l’image d’une femme indépendante, dynamique et volontaire, et a relégué au second plan les sœurs de son époux, pourtant très médiatisées au début du règne de Mohammed VI. « La femme du roi, comme personnage  public, est inédite au Maroc. Cette nouveauté doit être mise en perspective avec le passage d’un modèle dynastique familial large à un autre, plus concentré sur le couple roi-épouse du roi. Cela s’accompagne de l’affaiblissement des figures princières périphériques (fratrie du roi, cousins, etc.) et d’une promotion du couple royal, à l’image des dynasties européennes », analyse un politologue.

Et la princesse fut

Cette nouvelle communication royale autour de l’épouse du Chef de l’Etat a été portée sur les fonts baptismaux le jour même du mariage de Mohammed VI. En mars 2002, l’union du roi et de Salma Bennani s’inscrit d’entrée comme une révolution dans les mœurs du sérail. Pour la première fois dans l’histoire du pays, un monarque marocain décide de présenter sa femme à ses sujets. Le contexte s’y prête. Mohammed VI vient de renvoyer le harem de son père, et réfléchit à prendre en main la réforme de la Moudawana, au point mort suite aux réticences d’une majorité de la population marocaine. Le roi donne l’exemple en décidant d’afficher une vie de couple moderne. Lorsque la Maison du protocole dévoile l’identité de l’heureuse élue, âgée de 23 ans, l’opinion publique ne parle que d’elle. Ses premières photos officielles, où on peut la voir calme et souriante, ses longs cheveux roux en cascade sur ses épaules, font fureur. Elles sont prises au palais royal d’Agadir et lui donnent un air de princesse sortie des Mille et une nuits, mais sans chichis. Salma Bennani intrigue, aussi bien au Maroc qu’à l’étranger, car elle a tout d’une Cendrillon marocaine. Dans l’imaginaire collectif marocain, cette nouvelle princesse, qui intègre le clan royal, a tous les critères de l’épouse idéale. Elle est belle, jeune et instruite. Lalla Salma est ingénieur d’Etat en informatique, diplômée de l’Ecole nationale supérieure d’informatique et d’analyse des systèmes (ENSIAS), l’un des établissements d’excellence du royaume. Une école qu’elle a intégrée sur concours et dont elle est sortie major de promotion. Autre détail important aux yeux des Marocains, cette fille d’enseignant n’est pas née avec une cuillère d’argent dans la bouche. « L’histoire de son mariage avec Mohammed VI s’apparente pour beaucoup de Marocains à un conte de fées, celui d’une roturière épousant un roi », souligne un sociologue. Douze ans plus tard, le conte de fées continue d’être relayé en filigrane dans la prose officielle, imprégnant l’imaginaire des Marocains. Par la même occasion, Mohammed VI renvoie l’image d’un roi sans fioritures quand il s’agit de vie privée. « Le fait que le roi se soit marié avec une fille du peuple est pour les Marocains la preuve qu’il est humain et accessible. Cette union a également donné une image moins hermétique de la famille royale et accessible à toutes les classes sociales », analyse notre sociologue. De quoi vendre du rêve, dans un pays où l’ascenseur social est en panne et les classes sociales étanches. Compte tenu de sa généalogie de sang royal, le choix d’Oum Keltoum Boufarès, fraîchement mariée à Moulay Rachid, peut être perçu comme plus traditionnel, si ce n’est moins audacieux. Suivra-t-elle le chemin tracé par Lalla Salma ?

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