Tension autour des "caisses noires" de la loi organique des finances

L’adoption de la loi organique des Finances connait des remous. En cause, l’article 8 de la loi, prévoyant les Comptes spéciaux du trésor, les fameuses "caisses noires" de l’Etat.

Par

Mohamed Boussaïd, ministre de l'Economie et des Finances.
Mohamed Boussaïd, ministre de l'Economie et des finances. Crédit : Rachid Tniouni

C’est au parlement que l’affaire a commencé. En cause, un amendement introduit par les députés de la majorité, visant à intégrer les Comptes Spéciaux du Trésor (CST) au budget général de l’Etat, et donc soumettre ces fonds au contrôle du parlement, alors qu’ils transitent actuellement en dehors de tout contrôle législatif, et se caractérisent par une opacité totale quant à leur utilisation. Problème : Mohamed Boussaid, ministre des finances, et le gouvernement s’opposent à cet amendement, résultant sur un report du vote de la loi organique de finances.

Lors d’une réunion du secrétariat général du PJD, le samedi 28 juin, le parti a tenu à signaler que le report « répétitif » du vote concernant le projet de loi de finances « était dû à des pressions extérieurs exercées pour empêcher le parlement de discuter des comptes spéciaux ». Questionné par TelQuel à propos de la position officielle du groupe parlementaire du PJD, Abdellah Bouanou a déclaré qu’ils allaient garder leur position et maintenir l’amendement, tout en ajoutant qu’ils allaient également « prendre en compte les amendements du gouvernement ».

A quoi servent les comptes spéciaux ?

Au nombre de 79, ces comptes sont affectées aux ministères et contribuent au financement de certaines opérations particulières, par exemple les projets de développement, des fonds de solidarité, ou encore de prêts à destination d’entreprises investissant dans le logement social, tel Al Omrane, qui a perçu un prêt pour financer son programme d’éradication des bidonvilles.

En réalité, ces comptes spéciaux sont prévus par la loi de finances, mais ne font pas partie du budget général de l’Etat, et ne sont donc pas soumis aux règles de la comptabilité publique. Les CST se déclinent en six catégories, dont la plus importante –et la plus problématique- est la catégorie des Comptes d’affectation spéciale. Le ministère des finances gère une grande partie de ces comptes spéciaux, dont 14 Comptes d’affectation spéciale.

Les primes aux fonctionnaires ne sont pas contrôlées

Problème : aucun contrôle parlementaire n’est exercé sur l’utilisation de ces comptes qui servent à distribuer des primes aux cadres du ministère des finances.  La distribution de ces primes se faisant en vertu de décisions discrétionnaires et non publiées. Dernière affaire en date, le scandale des primes échangées entre Salaheddine Mezouar, ancien ministre des finances, et Noureddine Bensouda, actuel directeur de la Trésorerie générale du royaume.

Bien au-delà du problème posé par l’attribution de ces primes – qui existe depuis un décret résidentiel de 1949 – c’est l’absence de contrôle du parlement qui pose problème. Ainsi, l’affectation des fonds n’est pas connue, étant du ressort du département ministériel dont ils dépendent, et sont soumis à son unique arbitrage. Ni le parlement ni le Chef du Gouvernement n’ont leur mot à dire sur l’usage de ces fonds.

C’est là le sens de l’amendement déposé par les députés du PJD, qui souhaitent voir ces fonds rentrer dans le giron du contrôle parlementaire, afin de garantir une utilisation plus rationnelle et transparente de comptes spéciaux du trésor, qui représentent plus de 100 milliards de dirhams, et qualifié de phénomène de débudgétisation en contradiction avec les règles de la bonne gouvernance et de la gestion efficiente des deniers publics.

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer