Vers une révolte sunnite en Irak  ?

Les succès d’EIIL soulignent les divisions de l’Irak post-Saddam 
Hussein. La politique sectaire d’Al Maliki est aux racines d’un conflit 
profond, que l’intervention américaine ne ferait qu’aggraver.

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Photo : AFP

Les images choquantes d’exécutions massives perpétrées à Tikrit par les hommes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL, Daesh pour l’acronyme arabe) ne laissent que peu de place à l’analyse. Pourtant, l’émotion, bien que légitime, reste mauvaise conseillère. Porteurs d’une idéologie ultra-violente, à l’image de leur émir Abou Bakr El Baghdadi, dénoncés pour avoir discrédité l’opposition à Bachar Al Assad en Syrie voisine, les quelque 7000 combattants irakiens de l’EIIL semblent trouver grâce aux yeux d’une partie de leurs coreligionnaires sunnites, humiliés par l’invasion américaine de 2003, marginalisés par le nouveau pouvoir dominé par les chiites et excédés par le sectarisme du Premier ministre, Nouri Al Maliki. Ce dernier, bien que sorti victorieux des élections législatives de mai dernier, n’a pas infléchi d’un iota sa politique très hostile à l’importante minorité d’Arabes sunnites. Prêts à s’allier à la force de frappe jihadiste contre un ennemi commun, certains de ceux-là – notamment des socialistes et des baathistes – sont les premiers à prendre leur distance avec l’extrême violence d’El Baghdadi et ses hommes. Dans les régions qu’ils dominent, Fallouja et Ramadi depuis plusieurs mois, les jihadistes ont imposé une vision intégriste de l’islam qui aliène une bonne partie de la population. En demandant aux Etats-Unis d’intervenir directement, par des frappes aériennes, pour arrêter la progression des groupes jihadistes menaçant Baghdad, le Premier ministre Al Maliki risque de provoquer une troisième guerre du Golfe, aux conséquences internes et régionales imprévisibles. Les Etats-Unis, qui ont laissé faire l’épuration ethnique dans la capitale irakienne (la population sunnite y est passée de 45% en 2003 à environ 20% aujourd’hui), ne sauraient rétablir la balance militaire en faveur d’Al Maliki au prix d’une guerre coûteuse en pertes civiles. Opposé à l’invasion en 2003, Barack Obama est partagé : s’il intervient, il sera entraîné dans un conflit sans issue. S’il ne fait rien, il sera taxé de faiblesse. Pendant qu’il réfléchit, les jihadistes avancent.

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