L’Office des changes a publié le mardi 17 juin les résultats préliminaires des échanges extérieurs marocains, dans une enquête couvrant la période des cinq premiers mois de l’année 2014.
L’observation de ces chiffres montre une amélioration des exportations (+5,2 %), qui augmentent plus rapidement que les importations (+3,2 %), mais une baisse importante des flux financiers entrant dans le royaume. Cela étant, les statistiques brutes ne donnent pas les clés de lecture, ni la signification économique de ces indicateurs. L’économiste Yasser Tamsamani, chercheur affilié à l’Observatoire français des conjonctures économiques, décrypte ces chiffres pour TelQuel.
1- Exportations : les produits marocains plus compétitifs
Les faits : Les exportations marocaines sont portées par le secteur automobile, qui a connu une hausse de 37,2 % de la production par rapport aux 5 premiers mois de 2013, et ce malgré la baisse des exportations de produits phosphatés (-13,2 %).
Analyse : Cette accélération des exportations s’expliquerait en partie, selon Yasser Tamsamani, par la dépréciation qu’a connue le dirham face à l’euro, et qui a permis de booster les exportations marocaines : « la baisse de la valeur du dirham face à la monnaie unique européenne, bien que légère, a permis d’améliorer la compétitivité-prix de nos produits sur le marché européen, qui reste le premier partenaire économique du royaume ».
La baisse des exportations de phosphates s’explique, elle, par la compétition accrue liée à des facteurs exogènes. Ainsi, l’Inde, l’une des plus grandes puissances agricoles mondiales et premier client de l’OCP, a décidé de réformer sa fiscalité, et de diminuer le montant des subventions accordées aux fertilisants phosphatés. Le chercheur note ainsi que « les agriculteurs indiens se tournent mécaniquement vers d’autres types de fertilisants, qui deviennent dès lors moins coûteux et se substituent tout aussi bien aux engrais phosphatés ».
Par ailleurs, l’entrée sur le marché de Maaden, une entreprise minière saoudienne qui produit du phosphate, a fait baisser les parts de marché du Maroc sur le marché asiatique. En cause, des coûts de transport moindres, mais également un processus de production moins coûteux qu’au Maroc, explique Y. Tamsamani :
La production de phosphates nécessite l’utilisation de soufre et d’ammoniac, qui sont des produits récupérés lors de la production de gaz et de pétrole, produits que l’OCP est obligé d’importer, contrairement à l’entreprise saoudienne.
La baisse des prix du phosphate sur le plan international n’aidant pas, le Maroc exporte donc ses phosphates moins cher et en moins grande quantité.
2- Importations : « le Maroc consomme plus et s’équipe moins »
Les faits : les importations progressent de 3,6 % par rapport aux cinq premiers mois de 2013, permettant au passage d’améliorer légèrement le taux de couverture, qui passe de 48,4 à 49,2 %.
L’analyse : « C’est une bonne chose », explique Yasser Tamsamani, indiquant que « le Maroc arrive à couvrir une partie de plus en plus importantes de ses importations, en accélérant la dynamique de ses exportations ».
La hausse moins importante des importations s’expliquerait par la structure de celles-ci : le Maroc importe principalement des produits alimentaires, dont le prix a baissé au cours des derniers mois. Aussi, le prix du baril de pétrole s’est stabilisé autour de 105 $, induisant une baisse des dépenses sur ce poste important des importations.
L’effet de change joue aussi un rôle important : « les matières premières sont facturées en dollars américains, face auquel le dirham s’est apprécié (passant de 8,78 dirhams à 8,2 dirhams) ». Résultat : les produits facturés en dollars coûtent moins cher.
Cependant, ce ralentissement des importations comporte des signes alarmants, selon Y. Tamsamani.
Ainsi, en observant de près la structure des importations, on observe une augmentation de 8 % des importations de biens de consommation, tandis que les biens d’équipement connaissent une baisse de 4,5 %, ce qui peut devenir un motif d’inquiétude, pour Y. Tamsamani :
Concrètement, cela indique que le Maroc consomme plus et s’équipe moins. Cette évolution signifie que le creusement du déficit commercial dû à des produits de consommation importés est amené à devenir structurel et à durer dans le temps, là où l’importation de biens d’équipement permettrait de le résorber à moyen terme, en dynamisant l’investissement.
3- Flux financiers : transferts des MRE et IDE en baisse
Les faits : les recettes des transferts provenant des Marocains résidant à l’étranger connaissent une baisse de 1,6 %, s’établissant à 2,27 milliards, contre 2,3 milliards de dirhams un an plus tôt.
Analyse : cette baisse s’explique par la situation économique de l’Union européenne, où sont établis la majorité des Marocains résidents à l’étranger. Le risque de déflation auquel fait face l’Europe exerce une pression à la baisse sur les salaires :
Par anticipation d’une situation difficile à venir, les Marocains résidant à l’étranger réduisent leurs transferts et préfèrent se concentrer sur leur épargne.
Le gros point noir en termes de variation pendant les cinq derniers mois demeurent les investissements directs étrangers (IDE) qui ont connu une baisse de 18 %, s’établissant à 9,54 milliards de dirhams. Cette baisse pourrait s’inscrire dans une dynamique internationale d’afflux de capitaux vers les États-Unis et l’Europe en provenance des pays émergents et en développement :
Après plusieurs années d’une politique monétaire expansionniste en réaction aux effets récessifs de l’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis en fin 2007, la banque centrale américaine prévoit un retour à la normale en limitant progressivement leur injection de liquidité sur le marché financier, ce qui pousse les taux d’intérêts vers le haut. Du coup, conjugué à des perspectives de croissance favorables, le rendement du capital devrait augmenter et la place américaine deviendrait plus attractive pour les investisseurs internationaux.
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