Haro sur la privatisation de l’enseignement de la médecine

Deux nouvelles lois qui ouvrent la voie à l’enseignement privé de la médecine au Maroc ont provoqué l’ire des étudiants en médecine à Casablanca. Une grève est prévue.

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Le CHU Ibn Rochd, à Casablanca. Crédit: DR

Une grève est prévue le 18 et 19 juin au CHU Ibn Rochd de Casablanca. Le débrayage, mené par les étudiants en médecine, concernera l’ensemble des services de l’hôpital, à l’exception des urgences et du service des gardes.  En parallèle, un sit-in est également prévu le 18 juin devant la présidence de l’Université Hassan II Aïn Chok à Casablanca.

La raison de la colère des étudiants ? La démission de certains professeurs de médecine, qui comptent rejoindre des instituts de médecine privés qui verront le jour prochainement.

Bientôt des instituts privés

L’affaire remonte à début avril 2014, lorsque le ministre de la Santé El Hosseine El Ouardi a présenté deux projets de loi (n°28-15 et 29-14).

Ces deux textes modifient les lois portant création des fondations Cheikh Khalifa Ibn Zaid d’une part et Cheikh Zaïd Ibn Soltan d’autre part, qui gèrent l’hôpital Cheikh Zaïd de Rabat.

Cela ouvre la voie à une véritable première dans le secteur médical au Maroc. Désormais, ces institutions privées pourront enseigner la médecine au Maroc.

Ces lois autorisent les deux fondations précitées à « contribuer à l’amélioration de l’enseignement supérieur et au développement de la recherche scientifique dans le domaine des sciences de la santé au Maroc », peut-on lire dans le compte-rendu du Conseil du gouvernement.

Médecin cherche encadrant

Cette initiative n’est pas du goût des étudiants de la faculté de médecine de Casablanca, qui redoutent une « vague de démissions des professeurs ». Dans un communiqué, le Conseil des étudiants exige « l’abrogation du projet de loi qui accorde à l’hôpital Cheikh Khalifa le droit de former un personnel médical et paramédical ».

Même son de cloche du côté du Syndicat national du secteur libéral (SNSL), qui s’inquiète d’une possible détérioration de l’enseignement public. Mohammed Bennani Naciri, secrétaire général du SNSL, fulmine:

Un futur médecin doit se baser sur la pratique. Et pour cela, il lui faut un encadrant […] ; les fondations en question commencent déjà à recruter des professeurs du secteur public pour les futurs instituts.

Élargir l’offre d’enseignement au Maroc

De l’autre côté, une source proche du milieu et qui a préféré garder l’anonymat argue qu’il est important de développer l’offre d’enseignement de la médecine au Maroc :

La plupart des bacheliers marocains partent à l’étranger, au Sénégal ou en Roumanie, faute de ne pas avoir pu intégrer une faculté de médecine au Maroc. Cela échappe au contrôle des ministères de la Santé et de l’Enseignement.

Concernant le recrutement des professeurs dans le secteur privé, la même source balaye d’un revers de la main : « le corps professoral de la fondation qui travaille à l’hôpital Cheikh Zayd sera chargé d’enseigner dans ces instituts ». Cela étant, notre source ne nie pas l’éventuelle embauche de professeurs du public dans la mesure où le partenariat public/privé avec le ministère de la Santé le permet. « Si on le propose aux fondations, elles ne diront pas non », nous répond-on, laconiquement.

Voilà qui n’est pas pour rassurer les grévistes, même si pour l’heure, aucune date d’ouverture officielle de ces futurs instituts n’a été annoncée officiellement.

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