86 000. C’est le nombre d’enfants de moins de 15 ans qui travaillent, d’après les chiffres du Haut commissariat au plan (HCP) rendus publics le lundi 16 juin. Cela représente 1,8 % des enfants, contre 9,7 % en 1999. Pourtant, si l’on se réfère aux chiffres publiés en 2014 par l’Unicef, réalisés à partir d’une moyenne de différentes enquêtes menées entre 2005 et 2012, le travail des enfants concernait encore 9 % des enfants sur cette période. De quoi suggérer que cette baisse significative de 9 % (ou 9,7 %) à 1,8 % s’est faite brutalement, au cours des années 2012 et 2013. Mais comment expliquer un écart aussi important ? En réalité, l’Unicef et le HCP n’utilisent pas les mêmes critères, d’âge notamment.
Pour l’Unicef, est considéré comme travailleur « tout enfant de 5 à 11 ans qui, pendant la semaine précédant l’enquête, s’est livré à une activité économique pendant au moins une heure ou a effectué des corvées ménagères pendant au moins 28 heures et tout enfant de 12 à 14 ans qui, pendant la semaine précédant l’enquête, s’est livré à une activité économique pendant au moins 14 heures ou a effectué des corvées ménagères pendant au moins 28 heures ».
En revanche, le HCP utilise une définition de la « population active occupée » recommandée par le Bureau international du travail, mais moins précise : « elle comprend toutes les personnes, âgées de 7 ans et plus, participant à la production de biens et services, ne serait-ce que pour une heure, pendant une brève période de référence spécifiée. »
Des critères différents selon les organisations
Aucun détail n’est précisé quant à cette période. Par ailleurs, le critère de l’âge diverge entre les deux organismes. Le grand écart de chiffres s’expliquerait donc peut-être par le travail des 5-7 ans. Ces derniers seraient donc très nombreux parmi les enfants travailleurs de moins de 15 ans.
Mais ces chiffres sont encore différents de ceux communiqués par le ministère de la Santé, qui comptabilise séparément les enfants « en situation d’emploi » et « ceux qui aident dans les travaux domestiques pendant au moins 28 heures par semaine. »
L’ensemble de ces organismes utilise la technique de l’échantillonnage, c’est-à-dire l’extrapolation de résultats obtenus après une enquête réalisée sur un échantillon de ménages (60 000 dans le cas du HCP) représentatifs de la population totale.
Des chiffres potentiellement réducteurs
Dans ces enquêtes, les enfants sont interrogés sur les activités qu’ils ont réalisées récemment (durant la semaine précédente pour l’Unicef et « pendant une brève période de référence » pour le HCP). Mais le travail occasionnel (qui peut se révéler intense par ailleurs), qui remonte à plusieurs mois avant l’enquête par exemple, n’est donc pas pris en compte.
Il est certes nécessaire de choisir un nombre d’heures précis à partir duquel on peut qualifier un enfant de travailleur. Mais celui de 28 heures (utilisé par l’Unicef) pour des corvées ménagères semble très élevé. L’Unicef explique que la collecte d’eau et de bois est considérée comme une corvée ménagère et non une activité économique. Dans le cas d’un enfant âgé de 10 ans qui passerait 20 heures par semaine à collecter de l’eau (à raison d’environ 3 heures par jour), on ne serait pas confronté à un enfant qui travaille au sens de l’Unicef.
Un fléau qui frappe surtout la campagne
Les chiffres du HCP ont le mérite de donner de nombreuses précisions quant au profil des enfants concernés. Le travail des enfants frappe principalement les régions rurales, où résident 9 enfants actifs sur 10. Dans ces zones, 3,6 % des enfants travaillent, contre 0,4 % en milieu urbain.
Sans surprise, le secteur de l’agriculture et de la pêche emploie l’essentiel des enfants en milieu rural alors que ceux qui se trouvent en ville travaillent surtout dans les services et l’industrie.
Plus de 70 % des enfants au travail se concentrent dans quatre régions : celle de Doukkala-Abda, de Marrakech-Tensift-Al Haouz, de Chaouia-Ouardigha et d’El Gharb-Chrarda-Beni Hssen principalement. Le travail des enfants touche davantage les garçons que les filles.
De graves conséquences sur la scolarisation
En ce qui concerne le statut dans l’emploi, plus de 9 enfants actifs occupés sur 10 en milieu rural travaillent en tant qu’aides familiales, alors qu’en milieu urbain, 42,1 % sont des apprentis, 35,9 des salariés, 17 % des aides familiales et 5 % indépendants.
D’après l’étude, parmi les enfants âgés de 10 à 14 ans qui travaillent, 30 % sont analphabètes. En effet, le travail des enfants constitue l’une des principales raisons de la non scolarisation. Seuls 25 % des enfants travaillaient parallèlement à leur scolarité.
Enfin, malgré les précautions à avoir sur les statistiques, les chiffres du HCP témoignent d’une baisse du travail des enfants ces dernières années.
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