Financer des associations, des reportages, des œuvres d’art ou des start-up grâce à la générosité des internautes, voici le principe du crowdfunding, ou micro-financement participatif (à ne pas confondre avec le concept de finance ou banque participative, utilisé pour évoquer la finance islamique). Les sites destinés à organiser ces collectes de fonds se sont multipliés ces dernières années à l’image d’Ulule ou Kisskissbanbank, par exemple.
En revanche au Maroc, un frein législatif empêche des sites nationaux de voir le jour. En effet, une loi de 1971 impose aux associations de demander une autorisation pour tout appel aux dons. Une plate-forme marocaine devrait donc solliciter le secrétaire général du gouvernement pour chaque projet soutenu.
Pourtant, plusieurs causes marocaines se sont déjà faites financées via ce « financement par la foule »… mais en passant par des sites étrangers. C’est par exemple le cas de la cinémathèque de Tanger, qui s’est aidée du site Zoomaal.com pour récolter 81 000 dirhams.
Une carence marocaine contournée
Pour réaliser son voyage en Antarctique, Houda a refusé de faire appel à ces sites :
« Je voulais quelque chose de marocain pur et dur, alors j’ai organisé ma campagne sur les réseaux sociaux, j’ai collecté l’argent en organisant un concert et en vendant des goodies. »
Pour elle, l’idée était aussi de susciter le débat et de montrer l’intérêt de développer au Maroc des solutions digitales de crowdfunding.
Face à ce manque, une équipe de Français vient de monter Smala and Co, lancé le 12 juin. Le site, dédié au financement de projets marocains, est géré par deux entreprises, l’une au Maroc et l’autre en France, chargée de la collecte. Arnaud Pinier, co-fondateur du site, explique :
« Le constat est mondial : pour tous les porteurs de projets, les robinets de financement standard sont asséchés. Or, avec très peu de moyens, les Marocains sont capables de faire de grandes choses, d’où l’intérêt du crowdfunding ici. »
Pour lui, il était nécessaire de dédier un espace spécialement aux projets marocains : « Le ressort du crowdfunding est un ressort affectif et identitaire, donc on fait parler des Marocains aux Marocains. » Mais le crowdfunding s’adresse aux seuls internautes bancarisés ; si la formule a fait florès en Europe et aux États-Unis, au Maroc le taux de bancarisation de la population n’y est encore que de 57 %, selon les informations publiées par le mensuel La Vie Eco (contre 99 % des Français, à titre de comparaison). Tous les détenteurs de carte visa, de mastercard, d’une e-card ou d’un compte Paypal ou Payzen peuvent participer à la collecte. Des modalités de paiement par chèque ou espèces, bien qu’à l’étude, n’existent pas encore.
Vers un encadrement législatif
Par ailleurs, il existe plusieurs plateformes de crowdfunding destinées à la communauté musulmane, comme 570 Easi ou Easi Up. Leurs particularités : elles assurent ne soutenir que des projets en accord avec les valeurs de l’islam. Au Maroc, certains parlementaires sont en train de réfléchir à un projet de loi, essentiel pour développer la pratique dans le pays.
C’est l’idée que soutient Mehdi Bensaïd, député du PAM :
« Il faut vivre avec son temps et réfléchir au déblocage de ce mécanisme, il est nécessaire de mettre en place une juridiction qui l’accompagne mais empêche les dérives, comme le financement d’actions terroristes, par exemple. »
Mais pour Houda, le crowdfunding marocain ne nécessite pas seulement une nouvelle législation, tant les mentalités sont encore fermées :
« Un travail sur la culture crowdfunding devrait aussi avoir lieu. Quelque part, notre société ne prévoit de donner qu’aux nécessiteux. Lors de ma collecte, j’ai reçu plusieurs messages insultants, des personnes qui m’écrivaient « tu es en train de mendier de l’argent alors qu’il ne s’agit même pas d’une cause humanitaire » ».
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