Dans la foulée du premier sommet marocain du pétrole et du gaz, organisé par l’ONHYM début mai à Marrakech, Amina Benkhadra nous parle de l’exploration pétrolière au Maroc. Surnommée « Madame Energie » pour sa parfaite connaissance du secteur, elle est l’interlocutrice numéro 1 des entreprises pétrolières souhaitant opérer au royaume. Convaincue du potentiel dont le sous-sol marocain dispose, Amina Benkhadra estime que les investissements opérés dans ce secteur sont encourageants et qu’il faut maintenir la cadence pour espérer de bonnes nouvelles.
Depuis 1956, plus de 300 puits ont été forés au Maroc, mais rien n’a jamais été trouvé. Pourquoi alors cet engouement pour le pétrole ces trois dernières années ?
Les explorations au Maroc ont réellement commencé à partir de 1912. Cependant, cela s’est fait en dents de scie et non pas de façon régulière. Actuellement, nous avons des informations scientifiques qui attestent que le Maroc dispose d’une géologie favorable, de bassins sédentaires qui ont un potentiel et qui sont sous-explorés d’un point de vue géo-scientifique. Tous ces éléments laissent croire qu’il peut y avoir un système pétrolier qui fonctionne.
Que pouvez-vous nous dire à propos de la dernière découverte de gaz à Sidi Mokhtar ?
Pour plus de précisions, il ne s’agit pas d’une découverte. Ce sont seulement des signes encourageants pour poursuivre l’exploration de cette zone par le biais d’une acquisition sismique 3D et du forage d’autres puits.
Dernièrement, plusieurs forages ont été entrepris, nécessitant un investissement important. Est-ce suffisant ?
Globalement, l’investissement n’est pas suffisant par rapport à l’étendue des bassins sédentaires dont on dispose. Même si on a commencé en 1912, la densité des puits au Maroc reste très faible. Elle est de 0,04 puits pour 100 000 km², contrairement à la moyenne mondiale qui est de 10 puits pour 100 000 km². Nous sommes actuellement dans une période importante en matière de travaux d’investissements et de forage, et il faut maintenir cela dans le temps pour pouvoir faire des découvertes.
Comment les licences sont-elles octroyées aux entreprises pétrolières ?
Nous offrons deux types de contrat. Le premier est une autorisation de reconnaissance, d’une durée initiale d’un an renouvelable. Le second est un permis de recherche qui s’étale sur une durée de huit ans. Donc tout dépend de la zone choisie par le partenaire. Quand la zone n’est pas suffisamment connue, nous privilégions l’autorisation de reconnaissance pour y réaliser des études. Le permis de recherche est octroyé, quand l’ONHYM dispose de données suffisantes sur la zone.
A quel niveau intervient l’ONHYM ?
Le code des hydrocarbures délègue à l’ONHYM le soin de préparer et de négocier les accords. Par ailleurs, notre organisme est en charge des études géologiques ainsi que de la recherche de partenaires. Dans ce sens, nos équipes se déplacent lors de toutes les manifestations pétrolières à travers le monde. Elles font même des campagnes de porte-à-porte auprès des entreprises pour expliquer et présenter les informations géologiques des différents bassins.
Quid alors du rôle du ministère de tutelle ?
Une fois que l’ONHYM a préparé le contrat et ses différents aspects, il est envoyé pour approbation au ministère de l’Énergie et au ministère des Finances.
Et pourquoi passe-t-il par le ministère des Finances ?
Les entreprises exploratrices reçoivent un traitement spécial de la part de l’administration fiscale. Elles bénéficient d’exonérations de droits de douane et de TVA durant la phase d’exploration. En cas de bon résultat, et en cas d’exploration, la loi prévoit une exonération d’impôts durant les dix premières années.
L’échec des forages au large de Tarfaya, opérés par Cairn Energy, ne risque-t-il pas de démotiver les autres explorateurs ?
Dans le cas de Cairn Energy, c’est d’abord une question d’exploitabilité du pétrole et de rentabilité. Suite à ce forage, l’entreprise est en train d’évaluer toute la région. Les gens du métier le savent, l’exploration pétrolière est un domaine extrêmement risqué, qui demande beaucoup de temps et de patience. Nos partenaires toujours présents au Maroc continuent de travailler avec confiance, et le fait que les sondages ne soient pas à la hauteur de nos attentes ne les empêche pas de poursuivre leurs engagements.
Les réserves pétrolières sont plutôt situées au sud du Maroc. Les problèmes économiques et politiques de cette région peuvent-ils impacter l’appétit des explorateurs ?
Dans le domaine de la recherche, tout ce que fait le Maroc du nord au sud est légal. Pour ce qui est des provinces du sud, notre position est claire : les recherches y sont menées en toute légalité. Et c’est un conseiller des affaires juridiques des Nations Unies qui l’a dit, avant d’ajouter qu’en cas de développement et de production, il faut que les populations locales puissent en bénéficier. Nous sommes actuellement dans un processus de clarification par rapport à la façon de gérer ce territoire.
Selon le code des hydrocarbures, 75% de la production vont aux compagnies pétrolières et 25% à l’Etat marocain. Comment expliquez-vous un tel déséquilibre ?
Le Maroc est considéré comme une zone frontière, c’est-à-dire une région où il n’y a pas encore eu une grande découverte de pétrole. En plus, nous sommes en compétition avec d’autres pays, et chacun pose ses conditions. Par le passé, la part de l’Etat était de 51 % mais cela ne nous a pas aidés à attirer les investisseurs. Nous offrons actuellement des conditions qui sont considérées comme les plus attractives au monde afin d’augmenter nos chances de découverte.
Vous avez dit lors du sommet que le Maroc possède une réserve de schistes bitumineux qui atteint les 50 milliards de barils. Que peut-on faire de cette réserve ?
Depuis 1980, nous savons que le sol marocain renferme 50 milliards de barils de schistes bitumineux, ce qui nous place en sixième position mondiale. Pour exploiter ce type de roche, la problématique et la difficulté restent technologiques. L’Estonie est actuellement le seul pays qui a réussi à en produire de l’électricité, mais ça reste dangereux pour l’environnement. Il y a des procédés pilotes semi-industriels qui permettent de produire un peu de pétrole et de gaz, mais aucun procédé industriel n’a été mis au point. Beaucoup d’entreprises travaillent dans ce sens, et nous sommes en discussion avec elles pour les tester sur les zones de Tarfaya et Timahdite.
Profil
1954. Voit le jour à Salé.
1978. Décroche le diplôme en génie civil de l’École nationale supérieure des mines de Nancy.
1981. Obtient son doctorat d’ingénieur en sciences et techniques minières à Mines Paris Tech.
2007. Nommée ministre de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, fonction qu’elle occupe jusqu’en 2012.
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