Motivés et confiants, les supporters du Moghreb de Tétouan ont largement soutenu leur équipe sacrée dimanche 25 mai championne de la Botola. TelQuel avait accompagné ces supporters pleins d’enthousiasme.
«Campeones Campeones !», «Viva Tetuan !», «Siempre Arriba !» (toujours plus haut !), «Botola jabalia»… Le public tétouanais était en liesse, dimanche, lors du deuxième sacre du Moghreb Atletic de Tétouan (MAT) champion du championnat national de football. L’équipe des Jbala a confirmé sa supériorité dimanche 25 mai à l’issue d’une victoire à domicile face à la Renaissance sportive de Berkane (RSB) par 2 buts à 1, s’assurant ainsi la tête de la Botola face au Raja de Casablanca.
Les festivités ont commencé au stade Saniat Rmel, quelques minutes après la remise de l’écusson du championnat au capitaine du MAT, Mohamed Aberhoun. Des milliers de tétouanais ont ensuite investi les rues dimanche soir pour fêter cette victoire.
La popularité du MAT doit beaucoup à ses supporters. TelQuel a accompagné ces supporters lors de leur déplacement à Casablanca pour affronter les rajaouis, dimanche 18 mai. Malgré la lourde défaite, les supporters ont continué (et eu raison) à croire en leur équipe.
Photo : Yassine Toumi
Reportage : Tétouan, échec et MAT
On le disait fade et insipide, sans intérêt ni rebondissements, mais le championnat du Maroc a offert lors de son avant-dernière journée un match d’une intensité rarissime pour notre mal aimée Botola. Le Moghreb Athlétic de Tétouan (MAT) domine la compétition depuis 29 journées, et il ne lui faut qu’un seul point pour remporter le titre. Mais pour cela, il devra affronter son grand rival, le Raja, dans l’antre de ce dernier : le complexe Mohammed V à Casablanca. Dans ce déplacement périlleux, le MAT, l’une des plus anciennes équipes du Maroc (créée en 1922), compte sur le soutien indéfectible de son public. Ce dernier vit et respire pour le Moghreb. La veille du match, tout Tétouan vibre au rythme de cette affiche d’exception. Dans les rues ou dans les cafés, on arbore fièrement le maillot rouge et blanc de l’équipe. À côté du cinéma Avenida dans le centre-ville, les derniers tickets disponibles se vendent à 200 dirhams au marché noir. Au célèbre souk de Bab Nouader, situé dans l’ancienne médina, le brouhaha des commerçants se mêle au son du nouvel hymne du MAT produit par le fils du pays, RedOne. Il est 17 h, et en attendant le départ vers Casablanca, il y a un match important qui se joue à l’autre rive de la Méditerranéenne, à Barcelone. Il oppose les Blaugrana à l’Atlético de Madrid. « Nous supportons l’Atlético qui incarne la réussite d’une petite équipe face à de grosses écuries comme le Real ou le Barça. Nous aimons le football spectaculaire et demain nous allons ramener le titre de Casablanca », s’enthousiasme Mehdi Abdelouahid, 28 ans, professeur de mathématiques et chargé des relations avec les médias pour le MAT. Gonflé à bloc après le match nul et le sacre des Madrilènes, Mehdi nous donne rendez-vous à minuit sur la place de la colombe blanche, l’emblème de la ville, où des milliers de supporters se réunissent. Direction, Casablanca.
Botola Jebliya
Le MAT souhaite réitérer son exploit de 2012, où il a remporté son premier titre, en battant son adversaire, chez lui, sur son terrain. Il y a deux ans, c’était à Rabat, face au FUS. Mais cette année, c’est une autre histoire. Il doit battre le Raja, devant le peuple vert, qui convoite le championnat et une seconde participation à la Coupe du monde des clubs, qui se déroulera à la fin de l’année au Maroc. S’il n’existe pas d’animosité entre les supporters des deux équipes, les 2500 billets réservés par le Raja au public tétouanais ont attisé la colère des Ultras. « Quand le Raja s’est déplacé à Tétouan, la moitié du terrain était verte. Pourquoi le président du Raja n’a-t-il pas fait preuve d’autant de courtoisie en nous réservant plus de billets ? », s’insurge un membre des Los Matadores. Ces derniers sont les Ultras du nord de Tétouan et composent avec leurs rivaux du Siempre Paloma, des quartiers sud, les deux plus grands groupes de fans du MAT. À eux deux, ils totalisent plus de 4000 membres. Vers minuit, l’ambiance est festive sur la place de la colombe blanche et aucune présence policière n’est signalée dans la rue. « La discipline est notre image de marque. Les supporters sont conscients qu’ils doivent être irréprochables, surtout lors des déplacements à l’extérieur », nous explique Mehdi Abdelouahid, qui porte le maillot du club et connaît chacun des fans par son prénom. Pour se déplacer à Casablanca, les supporters ont loué plusieurs vans et payé 200 dirhams chacun. Le signal de départ est donné à 1 h 30. À la sortie de la ville, des barrages de la gendarmerie canalisent les centaines de voitures venues de Tétouan, Tanger, Chaouen et même d’Espagne. Le convoi est en marche pour assister au sacre du Moghreb.
Photo : Yassine Toumi
La marche nocturne
Sur la route vers Casablanca, Abdelouahid et d’autres supporters écoutent les chants des Ultras du MAT et nous montrent fièrement l’article publié sur le site du célèbre journal sportif espagnol Marca, comparant le MAT à l’Atlético de Madrid. « Un de nos supporters spécialisés dans la presse sportive est entré en contact avec l’ancien gardien colombien René Higuita, qui a posté une vidéo pour soutenir notre équipe », nous racontent les supporters. Mais ont-ils une idée des préparatifs de l’équipe adverse ? La confiance affichée par les Tétouanais est sans limites. « Depuis une semaine, les Ultras des deux équipes échangent des messages sur les réseaux sociaux pour désamorcer toutes les crispations et éviter la tension », nous confirme Abdelouahid. Il est 4 h du matin, les aires de repos sont vides et calmes, sauf de ces irréductibles supporters qui font un boucan d’enfer. Mais tout se déroule sans incident, et sans la moindre présence des gendarmes ou de la police. Mais après sept heures de route et à l’approche de Casablanca, le convoi est stoppé net par la gendarmerie. Après quelques vérifications, les supporters sont accompagnés jusqu’au péage. Alors que la métropole se réveille doucement en ce dimanche printanier, les premiers supporters du MAT arrivent au complexe Mohammed V à partir de 8 h du matin. Sur place, les Ultras du Raja s’affairent déjà depuis la veille pour installer leurs tifos. Les deux groupes se saluent, mais la méfiance est de mise. Abdelouahid profite du temps libre pour rendre visite à un ami et pour se reposer. La journée va être longue et chargée en émotions.
Le choc des titans
Les boulevards et rues qui mènent vers le complexe Mohammed V ne désemplissent pas. À 14 heures, le stade est plein à craquer. Les supporters du MAT occupent les tribunes réservées traditionnellement aux Wydadis, et ils sont beaucoup plus nombreux que les 2500 places qui leur avaient été réservé. « L’organisation a accepté de laisser notre public accéder au terrain avec des tickets alloués aux Rajaouis. C’est une bonne chose pour éviter les heurts », affirme Abdelouahid. Côté Raja, on tue le temps comme on peut, mais les Verts ne cachent pas leur appréhension. « Tétouan est une équipe redoutable avec son jeu limpide. Ça ne va pas être facile ! », soupire ce Rajaoui qui a fait le déplacement avec son fils. Il est 17 h, on trépigne à l’idée de connaître ce que les Ultras du Raja ont préparé pour ce match. La découverte est impressionnante : les supporters des Verts sortent la grosse artillerie et bluffent tout le monde avec le plus grand tifo jamais réalisé dans un stade marocain. Le match peut commencer.
Photo : Yassine Toumi
En mode Manita
À l’entame de la rencontre, Tétouan réussit à contenir les attaques du Raja et rate deux occasions pour ouvrir le score. Le peuple des Verts s’inquiète et semble désemparé. Mais à la 30e minute, le match bascule quand le Raja obtient un penalty transformé avec succès par Mohcine Moutaouali. Quatre minutes plus tard, coup de massue sur la tête des visiteurs : le Raja double le score, le MAT est tétanisé. Stupéfaction et tristesse dans le camp des supporters rouge et blanc. Certains pleurent déjà devant cette défaite qui s’annonce. Téléphone à la main, les Tétouanais sont submergés d’appels provenant de leur ville où tout le monde demande des explications sur ce qu’il se passe sur le terrain. « Nous allons revenir dans le match, nous sommes une grande équipe et nos joueurs sont capables de sortir le grand jeu dans ces moments », commente Mehdi, sans grande conviction. Le Moghreb sombre définitivement en seconde période et encaisse cinq buts devant un Raja monumental. En plus de la fatigue du voyage, la débâcle précipite plusieurs supporters dans l’hystérie. D’autres commencent à quitter le stade. « Je n’ai pas envie de marcher dans la rue et subir les quolibets des Rajaouis. C’est le jour le plus triste de ma vie », nous lance Mehdi avant de quitter le stade pour prendre un taxi en direction de la gare routière pour rentrer à Tétouan. Ce jour-là, très peu d’incidents ont émaillé la rencontre. Si Tétouan a perdu la rencontre, le club et ses supporters ont donné une véritable leçon de fair-play à tous les Ultras du Maroc. Chapeau donc !
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