En mettant sur le marché boursier le reliquat de sa participation dans Lesieur, le holding royal SNI achève son désengagement de la filiale. Retour sur un processus qui a connu tant de rebondissements.
C’est officiel. A partir du mois de juin, SNI – le holding appartenant à la famille royale – ne sera plus dans le tour de table du leader national des huiles, Lesieur Cristal. En cédant les 22,8% qu’elle détenait encore dans cette société, via la Bourse de Casablanca, le groupe réalise sa première opération boursière destinée au grand public et vient tenir une promesse faite au marché, il y a plus de quatre ans déjà.
Changement de stratégie
L’Offre publique de vente (OPV) qui vient d’être lancée par la SNI est attendue depuis 2010. Effectivement, en mars de cette année, dans la foulée de la mégafusion ONA-SNI, le groupe royal avait annoncé une réorientation stratégique. Il devait muer en holding d’investissement minoritaire dans les filiales arrivées à maturité. Autrement dit, le groupe devait drastiquement réduire son niveau de participation dans certaines sociétés, principalement agroalimentaires. Et pour soulager son portefeuille, la SNI prévoyait justement de procéder à cette vente via le marché boursier.
L’avènement du Printemps arabe en 2011 allait néanmoins imposer un relifting de cette approche. Face aux slogans des manifestants du Mouvement du 20 février qui appelaient au désengagement du roi des affaires, les managers de la fortune royale prennent conscience de la nécessité de dissocier l’image du chef de l’Etat des entreprises commerçant dans les produits de grande consommation : ces articles directement liés au panier de la ménagère comme l’huile, le sucre ou le lait. Il n’était plus question alors d’une « réduction progressive du périmètre d’action de la SNI », mais d’un désengagement total des filiales agroalimentaires, qui font désormais tache dans le portefeuille royal.
Un schéma de vente contraignant
La mise en vente de ces fleurons de l’industrie a bien entendu trouvé du répondant auprès d’investisseurs marocains et étrangers. « Pour le cas de Lesieur, en particulier, nous avons reçu une douzaine de manifestations d’intérêt préliminaires », se rappelle Karim Chbani, directeur à la SNI. « Nous avions même étudié une offre partielle qui portait sur l’activité « hygiène » de Lesieur, mais nous avons fini par l’écarter car il ne nous paraissait pas opportun de séparer les deux métiers ‘huile’ et ‘hygiène’ en raison de leurs synergiers », ajoute son collègue Ayman Taud, également directeur au holding.
Le staff de la SNI n’était donc pas disposé à vendre Lesieur au premier investisseur venu, même armé de la meilleure offre financière. « Il fallait réaliser un schéma de cession qui permet de passer le relais à un partenaire industriel capable de poursuivre le développement de la société tout en assurant une implication des investisseurs nationaux dans la gouvernance de Lesieur et, en plus, respecter nos engagements préalables vis-à-vis du marché boursier », nous explique Ayman Taud. Avec toutes ces contraintes, la liste de prétendants devenait de plus en plus limitée. « Sur les cinq offres reçues, trois provenaient d’opérateurs industriels. Et si nous avons opté pour Sofiprotéol, c’est parce qu’il s’est montré enclin, après négociations, à respecter notre schéma de cession, tandis que les deux autres acteurs internationaux en lice exigeaient un contrôle exclusif sur Lesieur », détaille Karim Chbani.
En juillet 2011, c’est la grande annonce : Sofiprotéol signe un protocole d’accord avec la SNI pour l’acquisition de 41% du capital de Lesieur. Mais le closing effectif du deal a nécessité plusieurs mois. Ce n’est que début 2012 que cette transaction à 1,3 milliard de dirhams est réalisée sur le marché boursier. En même temps, la SNI cède 13% de Lesieur à un consortium d’institutionnels locaux (CMR, CIMR, MAMDA-MCMA et Wafa Assurance) pour leur permettre d’atteindre une participation cumulée de 25%. Ces derniers bénéficient d’une légère décote par rapport au prix payé par Sofiprotéol, avec lequel ils concluent un pacte d’actionnaires. Celui-ci prévoit un certain partage de la gouvernance de l’entreprise (d’ailleurs, le PDG de la société est actuellement Khalid Cheddadi, directeur de la CIMR) mais verrouille aussi le niveau de participation de ces actionnaires de référence sur les 15 prochaines années.
Une OPV tant attendue
Après cette première phase, il ne reste plus à la SNI qu’à conclure son désengagement de Lesieur avec une mise sur le marché de la Bourse de sa participation résiduelle. En juin 2012, la cote casablancaise s’apprête déjà à accueillir cette Offre publique de vente. « Le processus était bien avancé, le dossier était chez l’autorité du marché et la SNI avait même entamé une campagne de teasing pour cette opération », raconte un habitué des salles de marché. « Effectivement, nous étions bien avancés à cette époque, nous confirme Ayman Taud. Mais nous avons préféré temporiser vu les conditions du marché boursier, qui connaissait un tarissement des volumes qui avaient atteint un niveau historiquement bas ». Le staff de la SNI ne chôme pas pour autant : entre 2012 et début 2014, il finalise les cessions de 50% de Bimo, d’un bloc conséquent de Centrale Laitière, ainsi que de la majorité du capital de Cosumar, dont le schéma de cession répond à la même logique que celui de Lesieur (prise de participation d’un opérateur industriel accompagné d’un consortium d’institutionnels locaux).
Aujourd’hui, l’OPV de Lesieur devient finalement effective. Car, aux yeux des dirigeants de la SNI, les conditions du marché boursier sont nettement plus opportunes qu’en 2012. « Les volumes reprennent en ce début d’année et les liquidités reviennent petit à petit dans l’économie, argumente Karim Chbani. Le timing est bon pour que l’opération soit un succès populaire, ce qui est notre objectif ». Les conditions proposées pour cette offre publique laissent effectivement croire à la réussite de cette transaction (lire encadré), voire à un regain de dynamisme de la place casablancaise.
Juin 2014 marquera surtout une nouvelle ère pour Lesieur Cristal. Une ère où le holding royal ne sera plus qu’un souvenir. Centrale Laitière et Cosumar devraient aussi connaître la même évolution avec les futures cessions, par OPV, des participations que détient encore la SNI. Des opérations qui signeront le désengagement définitif de la famille royale du secteur agroalimentaire.
Valorisation. Des conditions alléchantes L’Offre publique de vente lancée par la SNI débutera le 26 mai et sera clôturée le 30. Durant ces cinq jours, ce sont un peu moins de 6,3 millions d’actions, l’équivalent des 22,77% que détient le holding royal dans le capital de Lesieur Cristal, qui seront soumises au marché. L’opération doit rapporter 580,8 millions de dirhams à la SNI. Deux types de souscripteurs ont été retenus. La première catégorie est celle des salariés. 534 755 actions sont ainsi réservées aux salariés permanents de Lesieur Cristal et de SNI pour un montant de 45,5 MDH. La seconde catégorie concerne les personnes physiques et morales ainsi que les investisseurs marocains. Pour ces derniers, 5,75 millions de titres sont offerts à la vente pour un montant de 535,3 MDH. De ce fait, le flottant en Bourse de Lesieur Cristal va passer de 11 à plus de 34%. S’agissant du prix de l’action, elle sera cédée à 85 DH pour les salariés et 93 DH pour les investisseurs. Soit des décotes respectives de 20 et de 13 % par rapport à la dernière cotation. Les initiateurs de cette offre ont tout fait pour qu’elle soit la plus populaire possible. Dans ce sens, le syndicat de placement compte presque toutes les sociétés de Bourse pour permettre au plus grand nombre d’y participer. |
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