A Sao-Paulo, sur le mur d’une école du district de Pompeia, une fresque a fait son apparition le 10 mai. Elle est de la main de Paulo Ito, street-artist Brésilien et a fait le tour du web. Retour sur un buzz contestataire.
Sur cette œuvre de rue, on peut y voir un jeune enfant, maigre, attablé. Dans son assiette gît un ballon de football, pour unique repas. La bouche déformée par les pleurs, il semble impuissant, vulnérable. On pourrait résumer cette œuvre en une phrase : alors que les Brésiliens ont faim, on ne leur sert que du football. Partagée des dizaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux, cette image fédère les voix brésiliennes qui s’élèvent contre la compétition qui débutera le 12 juin prochain. Lors d’un entretien donné à Slate, Paulo Ito, le street-artist père de cette œuvre, assure qu’il n’avait jamais rien créé de si populaire, après quatorze ans dans le street-art, et il a été surpris par le retour. Il ajoute également : « En fait, il y a tellement de choses qui vont mal au Brésil qu’il est difficile de savoir où commencer. Avec cette fresque, je ne voulais pas dire que rien n’était fait contre la pauvreté. Mais nous devons montrer au monde et à nous-mêmes que la situation actuelle n’est pas bonne ».
La recette du succès de cette image ? Elle réside très certainement dans ce qu’elle dénonce. La Coupe du Monde 2014 de football est un véritable fiasco économique et social au Brésil. Bien qu’elle rapportera selon les espérances 600 000 touristes étrangers et 3 milliards de dollars, elle est la plus chère de toute l’histoire du ballon rond, avec un investissement s’élevant à environ 10 milliards de dollars pour le pays.
Une fresque, des millions de voix
Plusieurs infrastructures (stades, hôtels) ont été construites au détriment du bien-être de la population. La « Garantie de la Loi et de l’Ordre », un texte visant à faciliter le travail de la police avec l’armée, a été instaurée. Des favelas entières ont été rasées dans la violence par les nouvelles unités d’élite de la police, délogeant des milliers de Brésiliens. Si la Mairie a bien proposé aux personnes délogées une bourse mensuelle de 350 reais brésiliens (soit près de 1 300 dirhams), la location moyenne d’un deux pièces à Sao-Paulo vaut environ 900 reais. Et les manifestations qui ont rassemblé des millions de personnes dans les grandes villes du pays témoignent du désaveu d’une grande partie de la population, qui aurait préféré voir cet argent dépensé dans l’amélioration de la vie plutôt que dans une compétition sportive. Les mouvements de grèves se multiplient également, notamment dans les transports publics, où se mettent en place des « grèves sauvages » sans préavis ni comptes rendus aux autorités.
Alors que les manifestations contre la FIFA rassemblent de plus en plus de brésiliens à travers le pays, cette image est sans conteste devenue le symbole du paradoxe de cette Coupe du monde, qui s’annonce pour le moins tendue.
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