Portrait. Un an après avoir fait le Montreux Jazz Festival et enregistré son premier album, Freedom Is Now, la musicienne arrive au Maroc pour une date unique à Mawazine.
La belle brune est d’une fascinante assurance. Ce qui ne doit pas être commode pour son entourage, celui des sessions studio notamment. Sous ses apparences frêles, Samia Tawil est une bombe à retardement. Prête à exploser ? L’auteure-compositrice-interprète préfère consacrer cette énergie à son projet d’objet musical (pas toujours) non identifié. De mère marocaine et de père syrien, la Genevoise de 30 ans a été biberonnée au son de Lenny Kravitz et Ben Harper : « J’ai beaucoup écouté les deux et ils m’ont largement influencée. Je suis consciente que cela doit s’entendre dans certaines de mes chansons. Ce qui me touche le plus chez eux, c’est le métissage inclassable de leur musique. Ce rock afro-américain plutôt rare de nos jours est une prise de position musicale assez forte. Ben Harper, bien qu’ayant baigné dans le blues, se laisse aller à des chansons qui tendent presque vers le metal parfois et à des solos de guitare surréalistes. Lenny Kravitz, malgré le potentiel très soul de sa voix, bifurque souvent sur un funk-rock surprenant ». En fait, ce sont ces deux artistes qui ont poussé Samia à se lancer dans la musique, non sans quelques déconvenues.
Mélange des styles
Il y a quelques années, un label franco-américain organise un casting à Genève. Samia s’y rend, démo sous le bras. Elle est retenue et signe un contrat. Mais quelque temps après, elle décide de rompre ce lien : « On déformait trop mon travail. Je me suis retrouvée à nouveau livrée à moi-même, à devoir continuer à avancer par mes propres moyens. Je me suis entourée de musiciens qui étaient des amis de lycée. C’est avec eux et en me remettant au piano et à la guitare que j’ai petit à petit redonné vie à ma musique ». Le résultat est à des années de ce qui se formate dans les studios-laboratoires. Fruit d’un travail acharné, Freedom Is Now est un premier album d’une étonnante maturité. D’emblée, le ton est donné. La rage rock est déversée sur Daddy Knows. Kravitz est passé par là, ses injections cuivre aussi. Suit le premier single extrait de l’opus, Pray, mélodie douce-amère amenée par des envolées vocales d’une rare maîtrise. Rain démarre larmoyant pour se livrer à une belle collision entre voix tonitruante et instruments consciencieusement déchaînés. Il y a aussi cette reprise aérienne de I Heard It Through The Greapvine, un classique popularisé en 1968 par Marvin Gaye. L’album est parfois teinté de touches orientalisantes, mais Samia Tawil tient à ses fortes influences : « Le rock et la soul des années 1970 m’ont accompagnée toute mon enfance. C’était la musique que mes parents écoutaient. Je me suis ensuite prise d’affection pour le rock des années 1990, en particulier par des chanteuses aux textes forts et travaillés : Alanis Morissette, Skunk Anansie, Sheryl Crow. Mais je pense qu’en mûrissant je me suis laissé aller à mélanger inconsciemment les styles qui m’avaient successivement influencée. J’avais juste envie de faire quelque chose d’organique, de rock donc, mais ma voix a indéniablement un côté très soul ».
Protest song new age
Poussant l’expérimentation, Samia se joue des codes et s’attaque à une sorte de protest song new age avec Modern Slaves et ses tribulations arabo-hispaniques, son son r’n’b hip hop, ses connotations africaines et son message à l’endroit des sans voix. Il y est question de liberté. Ses origines syriennes la poussent d’ailleurs à l’indignation : « Je n’arrive toujours pas à concevoir que la communauté internationale reste de marbre face à ce massacre. La Syrie est un pays magnifique, que je connais pour y avoir été à plusieurs reprises. Malheureusement, je ne le reconnais plus ». Et le Maroc ? « C’est mon pays de cœur. Celui de mon enfance entre Genève et Rabat, celui où je me sens chez moi. » Avec un brin de nervosité à l’idée de s’y produire le 30 mai prochain.
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