Jalil Bennani : « Les gens n’acceptent plus l’humiliation  »

Smyet bak ?

Abdelmalek.

Smyet mok ?

Chama.

Nimirou d’la carte ?

Pas de raison de le donner. Il vaut mieux m’identifier par mon travail que par un numéro.

Vous avez beaucoup écrit sur les jeunes. Vous y voyez une clientèle potentielle ?

J’écris parce qu’ils viennent davantage en consultation, et non l’inverse. Et ils le font de plus en plus à leur initiative. Les jeunes nous interpellent parce qu’ils font bouger les lignes. Lorsque j’ai eu le prix Grand Atlas, j’ai appris avec émotion que leur vote avait beaucoup compté. C’est ce qui m’a poussé à leur consacrer le livre Comment les jeunes changent nos vies.

Si l’un de vos patients vous demandait, pendant une consultation, une khmissa et du bkhor, vous accepteriez ?

Non, parce que ce n’est pas mon rôle. Les pratiques traditionnelles ont leur histoire, leur espace et leurs acteurs. Les déplacer de cet espace, c’est les dénaturer. Après, chacun est libre de choisir les pratiques de soins qu’il souhaite. Ceux qui viennent me voir créent forcément une rupture avec ces pratiques.

Après Un psy dans la cité, bientôt Un psy à la campagne ?

J’écoute avec la même attention les patients de la ville et ceux de la campagne. Les conditions socioéconomiques changent, mais les mécanismes psychiques sont les mêmes, même si on rencontre dans la ville plus de dépression, une accélération du mode de vie.

Selon vous, la hogra fait-elle partie du patrimoine génétique marocain ou peut-elle être dépassée ?

Regardez des notions comme la hchouma par exemple. Avant, c’était une valeur positive. Aujourd’hui, c’est négatif. Quand les jeunes disent qu’un tel « makay hchemch », ça veut dire qu’il ose regarder les yeux dans les yeux et qu’il dit ce qu’il a à dire. Les choses sont en train de changer, les gens n’acceptent plus l’humiliation. Bien sûr, certains ont plus de moyens pour exprimer leur refus que d’autres, mais le refus existe.

Vous récusez l’expression « blad schizo ». Qu’est-ce qui vous déplaît le plus dans cette expression, blad ou schizo ?

C’est celui de « schizo », diminutif de « schizophrénie », car il est emprunté à la pathologie. Nous pouvons avoir plusieurs identités. Et les jeunes nous montrent que l’on peut vivre avec. Je préfère plutôt parler d’une identité plurielle des Marocains.

Vous avez aussi écrit un ouvrage sur l’art. Vouliez-vous psychanalyser l’œuvre de Mohamed Kacimi comme Freud a psychanalysé celle de Michel-Ange ?

Pas du tout. Je n’avais pas cette prétention. Le but était de publier, avec Kacimi, une expérience pilote que nous avions menée avec des adolescents en souffrance, autour du geste et de la parole.

Croyez-vous à la transe ?

On la retrouve dans toutes les cultures. Différentes situations et différentes techniques peuvent y mener : la musique, la poésie, les versets coraniques, le chant, l’hypnose, etc. La transe met à nu l’inconscient. En psychanalyse, la personne peut vivre des états apparentés à la transe. C’est le tréfonds de l’être humain.

Antécédents

1948 : Naissance à Meknès.

 

1980 : Écrit son premier livre, Le corps suspect.

 

2001 : Cofonde la première société psychanalytique du Maroc.

 

2002 : Lauréat du prix Sigmund Freud de la ville de Vienne.

 

2013 : Obtient le prix Grand Atlas pour son livre Un psy dans la cité.[/encadre]
 

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