Chronique. The secret botolist #2

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Bismillah rahman rahim, aujourd’hui je suis un nouvel homme. Je peux le certifier, mûr et ivre de sagesse hamdoullah. Plus rien ne me détournera de mon objectif hebdomadaire, le triomphe. D’ailleurs, mes statistiques après suspension le prouvent : 1 match nul à domicile et une victoire à Tétouan, échec et MAT.

Mes prestations sont telles que le sélectionneur national par intérim a été charmé. Je suis logiquement désigné pour représenter mon pays lors d’un match amical, comptant pour la préparation des Jeux panarabes. Les 3 points ne m’échapperont pas inchallah ! 

Les médias, jaloux de ma fulgurante ascension, me critiquent continuellement. Ma convocation ne serait due, selon eux, qu’au refus des joueurs évoluant en Europe d’y participer et à l’impossibilité de mobilisation des meilleurs éléments du RCA, FAR, MAS, WAC et MAT, pris dans leurs compétitions internationales respectives. Ils ont la trique, mais mon hat-trick leur fermera leur gaule.

La rencontre se joue à Karak et nous oppose à nos homologues jordaniens. Pour s’y rendre, il faut prendre plusieurs avions. Je suis aviophobe mais qu’à cela ne tienne, je suis armé, le chargeur truffé de somnifères. Cette plaisanterie n’enchante apparemment pas le policier posté à l’entrée de l’aéroport, lequel me fait passer à répétition sous le portique de sécurité. Celui-ci sonnant à chaque fois, il me fait ôter lunettes, montre, ceinture…vainement – ne saisissant pas que ce qui fait sonner le portique est le caractère de fer de Hassan Terro.

Audacieux, il me palpe espérant trouver de quoi gâcher mon match. Pourquoi est-ce un homme qui me fouille, criai-je ahuri. Un haut placé accompagnant l’équipe finit par intervenir, me laissant enfin libre de me diriger vers le comptoir d’enregistrement. Je rumine mon chewing-gum éhontément en le reluquant de bas en haut avant de circuler.

J’enregistre mes bagages et passe la douane et son interminable file. J’arrive à la salle d’embarquement avant le coach et en profite pour fumer en catimini, ce sera la dernière avant un long moment – il paraît qu’il est interdit de fumer en avion- et pour envoyer un tweet à destination de mes fans : « d’érection Karak. D3iw m3ana ». 

Nous embarquons enfin à bord et j’hérite du siège n°33. Exactement comme mon numéro en club. C’est un signe. Je serai à la hauteur.

Les moteurs grondent à peine que j’avale une demi-tablette de dormitifs. La sortie de mon hibernation ne se fait qu’en Jordanie. 

Une fois à l’hôtel, nous avons quartier libre jusqu’à 21h. Les 22 se mettent sur leur 31, mais pas moi. Hors de question de troquer ma sandala dl’mika et ma caskita Oussoud Al Atlas contre un accoutrement de circonstance.

Durant notre courte soirée, hormis quelques bouffées de chicha, j’ai été sage comme un imam, mais à notre retour, le bruit court qu’Amzil sera titulaire à mon poste. Dès lors, je n’ai qu’une seule idée en tête : destituer Amzil par tous les moyens. Flanquer un puissant laxatif dans son petit-déj’, le tacler brutalement durant l’entraînement matinal ou brûler ses lentilles sans lesquelles il ne distinguerait pas Mila Kunis de Sina.

J’opte finalement pour un subterfuge tout aussi efficace : voler ses chaussures et sa paire de remplacement. Il est le seul à porter du 50 et n’aura donc aucun moyen de ferrer ses palmes.

Au réveil, Amzil, écœuré qu’on puisse lui faire pareil coup, crie au scandale mais ne soupçonne pas une seconde mon implication dans cette affaire. Il accuse le groom, mécontent, à qui il avait refusé de donner un pourboire.

Amzil out, Terro in… Du moins c’est ce que je pensais.

Le coach décide en définitive de déployer une formation à 3 défenseurs, ne comptant ni sur Amzil ni sur moi. J’accepte sa résolution mais l’envie de lui coller un poing final dans la brioche me ronge.

Le match débute sur les chapeaux de roue et les Jordaniens plantent but sur but. 2-0 à la mi-temps sans la moindre réaction de mes partenaires, spectateurs passifs de notre culbute. Le coach a décidé de se passer de mes services, mais combien de temps tiendra-t-il sans mes sévices ?

15 minutes après la reprise, Khermaj, sauvant le ballon du 3 – 0 sur sa ligne, se blesse en se cognant le genou contre le poteau.

Khermaj out, Terro in… Pour de bon cette fois-ci.

Aussitôt la pelouse foulée, mon aura transcendante ne laissant personne indifférent, je sens mes équipiers insufflés d’une grinta exceptionnelle. Rapidement, on remonte la pente. 2 – 1 puis 2 – 2. Malgré quelques assauts, rien ne passe, je tiens la baraque comme Achik tient son ring.   

Satisfait de cette remontée inespérée, on fait tourner en défense, privant les Jordaniens de la chique. Je la file continuellement en retrait au gardien, qui la passe au défenseur gauche, lequel me la rend. Ce jeu en triangle agace particulièrement nos adversaires qui jettent toutes leurs forces dans le pressing, au point de me faire rater une passe, peu appuyée, récupérée par l’attaquant d’Al Nashama et glissée en toute facilité dans les filets. 3 – 2 à la dernière minute.

Aussitôt, je m’en prends à notre keeper, fautif d’indolence. Le ton monte rapidement entre nous et je finis par lui asséner un coup de boule. L’arbitre m’expulse illico prétextant le non-respect de l’éthique sportive. Je ne connais pourtant aucune loi m’interdisant de frapper mon propre partenaire. Enragé, je fonce sur l’arbitre. Sans les interventions musclées de la moitié de mon équipe, j’aurais pris mes jambes à son cou. Dans la cohue, je parviens à choper le carton rouge tombé des mains de Si l7akam, et le mange. Cela me calme légèrement. Je quitte le terrain en rembarrant tout le monde et en shootant de toute mon énergie dans les panneaux publicitaires. 

J’éteins mon téléphone et me terre dans le bar de l’hôtel. J’ai grand besoin de passer cette soirée en solitaire, une mise aux verres est nécessaire.

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