Awaln’art. Patrimoine ambulatoire

Spectacle vivant. Créé en 2007 à Marrakech, le festival Awaln’art a pour but de redonner vie aux arts de la rue au Maroc. Retour, à l’occasion d’une huitième édition réussie, sur une aventure qui continue de progresser.

Attablés à la terrasse panoramique du café de France, qui donne sur la place Jamaâ El Fna, des touristes, ou de simples Marrakchis, profitent du soleil. La vue sur la place est imprenable. Deux étages plus bas, dans une ruelle attenante au café, un camion débarque. Il transporte le collectif Spirale, une troupe qui offrira un spectacle dans le cadre de la huitième édition du festival Awaln’art. Consacré aux arts de la rue dans leur pluralité, du cirque à la danse contemporaine, l’événement, cette année, a emmené sa douzaine de spectacles à Agadir, Casablanca et Meknès avant de s’achever chez lui, à Marrakech. Le show à Jamaâ El Fna ressuscite les origines du festival. « L’aventure Awaln’art a commencé en 2005. Jouer dans une salle n’avait aucun intérêt pour moi. Ce que je voulais, c’était jouer une pièce de théâtre classique dans un quartier populaire », se remémore le metteur en scène Khalid Tamer, fondateur et directeur artistique du festival. Pour cela, il a invité les élèves de l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle (ISADAC) et des comédiens français. « On s’est retrouvés avec un public formidable. Je crois que ça a créé quelque chose en nous, et ce quelque chose nous a poussés à vouloir créer dans les places publiques », poursuit-il. En arrivant à Marrakech, Khalid et sa troupe ont été subjugués par Jamaâ El Fna, qui « dégage à la fois une force spirituelle et des propositions contemporaines ». En 2005, donc, le collectif Éclats de Lune, structure juridique du festival, est créé. Il est le fruit d’une rencontre avec des sociologues, des musiciens, des plasticiens et des dramaturges. Deux ans plus tard, la toute première édition d’Awaln’art voit le jour.

Rien ne se perd, tout se transforme

Sous un soleil de plomb, la performance du collectif Spirale commence. Il est 16h, et les curieux jouent des coudes pour mieux voir le spectacle déambulatoire, qui se déplace du café de France à la station des cochers, tout en musique et en acrobaties. Le collectif, initié par Éclats de Lune, est majoritairement formé de jeunes. Certains d’entre eux sont issus des villages avoisinant Marrakech. « Souvent, ils n’ont pas le bac, mais ont un savoir-faire artisanal ou industriel. A travers les accompagnements qu’on leur propose, on essaie de mettre en valeur leurs compétences », explique Claire le Goff, directrice  générale d’Awaln’art. Ici, rien ne se perd, tout se transforme. Les soudeurs, menuisiers et autres artisans du collectif ne se contentent pas de fabriquer les marionnettes géantes qui servent aux parades, les costumes de la troupe, ou encore les tambours traditionnels : ils prennent part aux spectacles et défilent avec le reste des artistes. « Au début, on nous a beaucoup reproché d’avoir invité beaucoup plus d’artistes étrangers spécialisés dans les arts de rue que d’artistes marocains. C’est qu’à l’époque, il n’y en avait pas. Ce vide, on l’a progressivement comblé », se félicite Khalid Tamer.

Pour un art de rue marocain

« Nous avons été le premier festival des arts de rue au Maroc. Aujourd’hui, il y en a à Casa, à Tanger, ainsi que dans d’autres villes, on en est fiers », se réjouit le directeur artistique. « En arrivant à Marrakech, nous voulions que l’événement réponde à un constat : celui de la déperdition progressive du patrimoine de Jamaâ El Fna », précise Claire le Goff. Mais le festival, né du désir de lier chaque spectacle à un territoire et à ses problématiques, n’est qu’une vitrine des activités de l’association . « Le projet fondamental qui nous lie s’appelle la Fabrique des arts en places publiques. C’est un projet de fabrication, de création et de transmission, qui intègre différents chantiers et résidences artistiques dans lesquels on rassemble des équipes étrangères et marocaines», ajoute-t-elle. Et de conclure : « Ce qu’on essaie de faire, c’est de construire des outils pour qu’une nouvelle génération d’artistes émerge. Ils porteront une parole et des esthétiques marocaines »

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