Drame. De merveilleux films sont tournés sous le ciel turc. Les climats, de Nuri Bilge Ceylan, en est la meilleure preuve.
Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan présente son dernier film en compétition officielle à Cannes, dans quelques semaines. Gageons que ce long-métrage, Winter sleep, vaudra enfin une Palme d’or au cinéaste stambouliote. Une chose est sûre, ses précédentes œuvres la méritaient. Iklimler (Les Climats en français) est l’un des meilleurs films de Ceylan, mais aussi l’un des plus beaux longs-métrages contemporains. Il y décortique la vie d’un couple, ou plutôt sa fin. Isa et Bahar apparaissent à l’écran tous les deux, en été. Sous une belle lumière, le couple est physiquement ensemble mais la distance qui les sépare est palpable. Ces deux-là ont un lourd passif et des maux qui les rongent. La compréhension de ce qui se trame au sein du couple ne se fait pas grâce aux dialogues. Ce sont les silences, et surtout la précision esthétique des plans de Ceylan qui disent tout. Le cinéaste met au service de son cinéma la technologie numérique haute définition – avec laquelle il filme – et ses talents de photographe. Ceylan réussit l’exploit de faire un cinéma à la Antonioni, avec des plans époustouflants, grâce à une technique prisée par les blockbusters.
Au fil des saisons
Sur une plage, devant un soleil qui se couche, Isa et Bahar donnent du dos au spectateur. Ils regardent la mer devant eux, assis à quelques mètres l’un de l’autre. La caméra transmet tout, la chaleur, les gouttelettes d’eau salée, et surtout le froid sibérien qui traverse le couple. L’émotion de ce plan prend à la gorge et renvoie à une dure réalité, celle de la versatilité de l’amour. Le spectateur aimerait que ces deux-là se rabibochent, mais Ceylan est loin de Hollywood. Il donne à voir l’érosion d’un couple, dans toute sa cruauté. Jamais il n’est expliqué ce qui a séparé les amoureux. Au fil des saisons, par interstices, il y a la lâcheté masculine, une amante, et une épouse qui aspire à mieux. Isa et Bahar sont campés par le réalisateur lui-même et son épouse. Une mise en danger à saluer, car la frontière entre le cinéma et la vraie vie est fine chez Ceylan, comme elle l’était chez Bergman.
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