Les besoins du Maroc en devises ne se résorbent pas. L’annonce d’emprunts à l’international pour un volume global de 2,5 milliards d’euros cette année vient le confirmer.
Les années se suivent et se ressemblent pour le Trésor. Pour la troisième année consécutive, le Maroc se trouve dans l’obligation de s’endetter à l’étranger pour continuer à faire tourner la maison. Alors que le gouvernement avait déjà annoncé, en 2013, qu’il pourrait émettre des obligations internationales d’un montant de 1 milliard d’euros, le ministre des Finances, Mohamed Boussaïd, renchérit en annonçant que le royaume aura besoin cette année d’un volume global d’emprunts extérieurs de 2,5 milliards d’euros, afin de colmater son déficit budgétaire. « Cette déclaration ne fait que confirmer, plus ou moins, les prévisions des emprunts mobilisés à l’international et établies par la Loi de Finances 2014. Ce montant devrait permettre de réduire les pressions sur le déficit budgétaire qui devrait représenter 4,9% du PIB en 2014 », relève Bouchaïb Horma, gestionnaire de fonds à Marogest. Le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, avait pour sa part laissé entendre, en mars dernier, qu’une levée à l’international pourrait être opérée. « Que le Trésor emprunte à l’international est une possibilité à envisager. Il faut bien évidemment choisir le timing, la devise et le montant à lever», avait-il déclaré.
Le gouffre budgétaire
Il faut dire que tant que le déficit budgétaire n’est pas ramené à un niveau soutenable, le financement sur les marchés internationaux deviendra un rendez-vous annuel car les besoins du Trésor deviennent si importants que le marché domestique n’est plus à même de les satisfaire. « Le Trésor a dégagé une épargne négative durant les trois dernières années et a dû s’endetter pour financer une partie de ses dépenses ordinaires. Conséquence, le déséquilibre des finances de l’Etat s’est creusé de plus en plus. L’argentier du royaume ne peut plus continuer dans cette voie », relève Horma. Pour parer à cette situation, la nouvelle loi organique relative à la Loi de Finances vient d’établir une règle concernant l’équilibre des finances de publiques : le produit des emprunts ne peut pas dépasser la somme des dépenses d’investissement et du remboursement du principal de la dette au titre de l’année budgétaire.
Cette nouvelle ligne de crédit à l’international devrait, en principe, ramener un peu de répit sur le marché financier, notamment l’obligataire. « Le timing de la réalisation d’une sortie à l’international est un facteur important dans la mesure où cela impacte le rythme des levées du Trésor sur le marché des adjudications. Par exemple, si l’opération se réalisait durant le deuxième ou troisième trimestre de cette année, le Trésor maîtriserait davantage ses besoins et lèverait peu sur le marché domestique au cours de cette période », soutient Horma. En 2013 par exemple, alors qu’une sortie sur le marché international pour 750 millions de dollars venait d’être bouclée, que le système d’indexation partielle des prix des produits pétroliers a été décidé par le gouvernement et que les niveaux de taux sont devenus intéressants, le Trésor subissait moins la pression des taux exercés par les investisseurs et qui l’obligeait à payer ses levées à un coût cher.
Les investisseurs confiants
En ayant une bonne maîtrise de ses besoins de financement durant les trois premiers mois de cette année, l’argentier du royaume a eu de moins en moins recours au marché des adjudications en dépit d’une demande phénoménale de la part des investisseurs. Il n’a levé que 32,8 milliards de dirhams au cours du premier trimestre 2014, alors que les soumissions ont égalé 243 milliards. Ainsi, les investisseurs proposaient en moyenne 18,7 milliards de dirhams par séance adjudicataire, soit deux fois plus que les soumissions moyennes observées en 2014. « On peut y déceler un retour de confiance des investisseurs qui croient à une amélioration des finances publiques. Alors, au cas où le Trésor procéderait à un emprunt international, les institutionnels ne pourraient que le créditer davantage. Leurs exigences de rendement baisseraient mécaniquement par la suite », souligne le gestionnaire de fonds. Autrement dit, si le ministère des Finances venait à emprunter de l’extérieur, il réduirait ses recours au marché des adjudications, ensuite les taux obligataires baisseraient mécaniquement.
Si, pour l’instant, une levée à l’international reste encore à confirmer, il demeure néanmoins sûr que ce rythme soutenu d’emprunts auprès des marchés étrangers risque bien de faire crouler le royaume sous le poids de l’endettement. L’encours de la dette du Trésor est ressorti à 62,5% du PIB à fin 2013. Un niveau que la banque centrale juge néanmoins « maîtrisable » au vu des engagements pris par le Maroc vis-à-vis du Fonds monétaire international (FMI). Ceci étant, l’agence de notation américaine Standard & Poor’s avait pour sa part tiré la sonnette d’alarme en mars dernier en annonçant que le royaume est en passe de devenir, cette année, l’un des pays les plus actifs dans la région MENA sur le marché de la dette. Une déclaration qui amplifie davantage les inquiétudes sur la soutenabilité de la dette souveraine.
Il n’empêche que cette opération constitue une petite bouffée d’oxygène pour nos réserves de change. « La rentrée de devises d’un montant de 2,5 milliards d’euros permettrait un gain d’environ 22 jours en termes de couverture des importations », explique une source à Bank Al-Maghrib. La solution reste donc temporaire et ne résout aucunement le déficit structurel de notre balance de paiement. A fin févier 2014, les réserves internationales nettes sont ressorties à 4 mois et 9 jours d’importations de biens et services. Un niveau qu’il faudra bien préserver au cours de cette année. Car le Maroc a bien pris l’engagement envers les organisations internationales, notamment le FMI, de ne pas fléchir en deçà des 4 mois d’importations.
Dépenses. Les intérêts de la dette flambent Les charges en intérêts de la dette à fin 2013 ressortent à 22 milliards de dirhams. Sur une année, ces charges ont bondi de 14%. La Trésorerie générale du royaume explique cette hausse à la fois par l’augmentation de la dette intérieure de 11,5% à 18,6 milliards de dirhams, et également par la progression de la dette extérieure de 31% à 3,3 milliards de dirhams. Pour rembourser cette dette, le Maroc a décaissé un montant de 840 millions de dirhams au titre de l’emprunt contracté en décembre 2012 (1,5 milliard de dollars) et en mai 2013 (750 millions de dollars). Pour l’année 2014, les intérêts et commissions de la dette seront bien plus importants : la Loi de Finances 2014 prévoit 24 milliards de dirhams. |
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